un parfum d'aventure, dans les eaux de l'antarctique

Je pars en Antarctique pour un peu plus d'un an, plus exactement en Terre Adélie, à Dumont d'Urville avec l'IPEV (Institut Paul Emile-Victor). Dumont d'Urville est une base de recherche polaire française, située en dessous de la Tasmanie. Mon rôle sera d'étudier les poissons et les organismes qui vivent sur le fond, en dessous de la banquise.

samedi 31 décembre 2011

Le retour,

La fin est là. La fin est sous mes yeux. Nous venons de passer la
dernière ligne de pack lâche. La mer libre s'étend à l'horizon. Nous
sommes le 31 Décembre 2011, et c' est la fin de mon hivernage en Terre
Adélie. Je suis repartie de DDU par la rotation 1 et bientôt il va me
falloir retourner à la vie, celle que j'ai quittée avant de venir.

C' est donc la fin de ce blog. C'est le dernier message que je
poste. Merci à tous ceux qui m'ont suivie pendant l'année.
Je vous retrouve en France sous peu.

Mon adresse mail de DDU n'est plus valide. Il ne sert à rien de m'en
envoyer là-bas, il vous sera retourné. Vous pouvez par contre utiliser
de nouveau mon adresse email habituelle.

BONNE ANNÉE À TOUS !!!

dimanche 25 décembre 2011

Brise-glace,



L'Astrolabe vaincu par les glaces. L'Astrolabe a dû faire demi-tour lors de la première rotation. Les glaces ont eu raison de sa volonté et ne lui ont pas laissé la chance de s'approcher. Mais ce bateau ne se laisse pas faire, coûte que coûte, il doit revenir. Il doit apporter de quoi nourrir, travailler, vivre, de quoi supporter l'hiver prochain. Armé de tout son courage, il a retenté sa chance, espérant arriver jusqu'à DDU. Mais les conditions météorologiques ont encore une fois eu raison de lui... la banquise entoure la base Dumont D'Urville. Pas moyen d'arriver à quai. Il s'est arrêté à 7 km de la base. Il s'est posé sur la glace, signalant la fin du voyage. Il était là-bas tout au loin, une petite tâche rouge à l'horizon.

Mais depuis, chaque jour, il grignote. Il prend de l'élan, il monte sur la banquise, la casse. Et petit à petit, il avance. Il se rapproche. Il n'arrivera pas jusqu'à quai, mais petit à petit il grossit à l'oeil. Nous pouvons presque voir marqué Astrolabe sur sa coque. Il n'est plus qu'à 4km.

Et pendant ce temps, l'hélicoptère a entamé son ballet. Il va et vient, déchargeant tout le matériel...

Bonnet rouge,



Je vous souhaite à tous un joyeux Noël ! En espérant que vous ayez la chance de le passer sous la neige...

Nous avons vu le Père Noël passer, il nous a apporté plein de cadeaux...et de la neige. Car tout le monde, ici, a été très sage pendant l'hiver. Les lutins ont été à l’œuvre !!

jeudi 22 décembre 2011

Enfouie,

Neige. Neige. Neige. Je suis sous la neige. La neige m'a enfouie. Neige humide, lourde. Neige d'été. Neige qui recouvre. Neige qui ne s'envole pas. Neige.

Sur mon caillou, j'ai été ensevelie. Elle m'a recouvert et juste mon nez dépasse. Je dois rester, je ne dois pas bouger. Si je quitte ce caillou, je perds mon oeuf.

samedi 17 décembre 2011

Vers la mer,




L’été, en Antarctique, tout est tourné vers la mer. Nous avons beau l’apercevoir au loin, elle est notre préoccupattion. Nous ne voulons pas la voir trop vite arriver et en même temps, l’Astrolabe aimerait bien que la débâcle soit là pour pouvoir arriver jusqu’au quai. Nous la voyons de loin. Nous regardons tous les matins si elle a bougé. Nous guettons la prochaine tempête, celle qui pourrait rendre sa liberté à la mer. La banquise fond doucement...

Pour tous les oiseaux de l’archipel, il serait beaucoup plus simple que la mer soit à leurs pieds.. cela leur éviterait de devoir marcher sur de longs kilomètres avant de pouvoir prendre un bain rafraîchissant. Ils n’auraient qu’à s’approcher du bord et à sauter. Tremper un pied et puis l’autre, hésiter pour finir par sauter.. le léopard ne devrait pas être dans le coin.

Les poussins empereur ont entamé leur longue procession vers la polynie...


Virgule,

Virgule a été une énigme et mon compagnon de l’hiver. Virgule allait et venait. On espérait tous le voir à chaque fois que nous ouvrions le couvercle du trou de pêche. La plupart du temps on ne pouvait voir que le trou d’eau libre qu’il avait laissé après être remonté pour respirer. Cela a été le même phoque pendant tout l’hiver. Aucun n’autre n’a été aperçu. Un phoque pour un trou. Ils n’ont pas l’air d’être très partageurs... D’autres phoques ont été vus ou entendus un peu partout sur la banquise, proche des rivières. Était-ce Virgule ? Si c’est le cas, Virgule aurait besoin d’un grand territoire pour tenir l’hiver... un phoque gourmand ?

Nous attendions une chose avec impatience... que Virgule sorte de l’eau. Lors des comptages de phoques de Wedell, nous l’avons cherché. Pas de Virgule. Est-ce un mâle ? Est-ce une femelle ? Nous ne l’avons pas trouvé, et nous continuons de le voir de temps en temps au trou de pêche...

Virgule est sorti de l’eau... juste à côté du trou de pêche, par un trou de tarière. Dans un petit trou, Virgule est passé. Nous qui pensions ce phoque énorme ! Et au surprise, Virgule est une femelle... voilà qui vient casser toutes nos hypothèses... !

Virgule, la femelle du trou de pêche.


lundi 12 décembre 2011

Sous la surface,



La tête du phoque, Virgule dans le trou de pêche.



Un manchot adélie qui plonge à la polynie.




Une méduse.

Si ce n’est le noir profond de la mer, c’est la banquise. Si ce n’est une forêt, c’est le sable. Si ce n’est le blanc de l’écume, ce sont les algues. Ils recouvrent. Ils masquent. Ils cachent. L’océan nous est invisible. Il est bleu, transparent, immense, profond, inconnu... il a beau être transparent, nous n’arrivons pas à en voir le contenu malgré des heures à scruter l’eau, essayant de percer l’eau. Il est tellement profond que nos yeux ne pourraient en déterminer le contenu . L’océan est un océan de mondes, un univers d’univers. Un milieu où des multitudes d’organisme sont présents et en même temps vides. On peut ne rien y voir en plongeant la tête au milieu de l’océan, comme on peut y faire des rencontres surprenantes.




Une méduse.



Un cténaire.

mardi 6 décembre 2011

De l’eau,




Quoi de plus enivrant que l’eau, celle qui bouge, que l’on peut sentir, ressentir ? Elle appelle notre regard, elle se fige. Nous ne pouvons plus le détourner. Il est fixé sur ce point mouvant. L’eau attire.

Assis au bord de l’eau, le spectateur reste immobile, comme plongé dans ses pensées. Il ne réfléchit point. Il n’attend point. Il reste juste là. Immergé. Son oeil suit les mouvements de l’eau. Il ne peut y échapper. Il ne contrôle rien. Il est figé.

Jusqu’au moment, où un frémissement au coin de l’oeil apparaît. Le regard se détourne. La pupille retrouve vie. Un manchot adélie saute hors de l’eau. Sur le spectateur, quittant son état de veille, se dessine un éclat. Une fossette apparaît. Puis le regard se fige de nouveau sur la toile bleutée. Le spectateur ne peut s’en détacher. Il ne peut quitter cette eau.


samedi 3 décembre 2011

Un bain en Antarctique,




Aujourd'hui, je me suis baignée dans le trou de pêche. L’eau est pleine de glace. Je sens le froid de la glace et des paillettes me coller aux jambes. J’ai beau bouger les bras, je ne sens que la glace et je n’arrive pas à avancer. Un vrai dédale. Il a fallu que je plonge la tête sous l’eau pour m’y retrouver, mais le froid m’empêche de prendre ma respiration convenablement. Un froid mordant. Doucement, le soleil me réchauffe le dos, adoucissant le froid.
Mais c’est sans compter la venue de Virgule, le phoque de Wedell.... surprise par son arrivée, je me retrouve sous l’épaisseur des paillettes, impossible de me libérer. J’ai vu ma vie défiler sous mes yeux.... je m’imagine déjà mâchouillée par les dents immenses de ce monstre.




J’ai eu de la chance, une main géante m’a sauvée...

dimanche 27 novembre 2011

Toute une aventure,

Des films pour une histoire, un roman pour une histoire ... Nous racontons l’aventure, nous la lisons, nous la buvons. Nous rêvons d’autres horizons, nous rêvons d’être autre. Nous rêvons de vivre les histoires de ces autres êtres lointains. Fiction réaliste ou bien fiction loufoque, peut importe. Nous nous prenons au jeu d’être quelqu’un d’autre, d’être un de ces héros, qui nous coupe le souffle au moment fatidique.

Même lorsque ces histoires sont vraies, nous nous prenons au jeu d’avoir vraiment vécu au milieu de ces personnages qui nous permettent de vivre d’autres aventures. Ces récits d’aventure sont un moyen d’échapper à notre réalité. Ces récits d’aventure sont souvent écrits de manière à ce que tout semble plus dramatique ou plus joli. Nous les lisons en ayant bien souvent du mal à comprendre comment ils ont bien pu survivre... mais comment ont-ils fait pour s’en sortir ? La question plane ...

Nous vivons tous les jours une histoire, un bout de récit. Mais cette histoire dont nous faisons partie en ce moment, nous nous demandons si elle ferait un bon récit d’aventure ou un bon film catastrophe américain...

Il était une fois... un Astrolabe. L’Astrolabe pris par les glace. L’Astrolabe coincé à 200 km de la base française Dumont D’Urville. L’Astrolabe avec un glaçon coincé dans les hélices. Des avions qui ne volent pas. Un hélicoptère en panne. Un avion se posant sur la banquise à côté de l’Astrolabe afin de le ravitailler et de chercher des passagers. Et l’Astrolabe encore et toujours coincé dans les glaces. L’Astrolabe dérivant au gré des courants, attendant d’être enfin libéré de la prise de la glace sur sa coque. L’Astrolabe s’éloigne de nous, doucement,... il s’en va vers le Nord... On se demande s'il atteindra l’Afrique du Sud.

Transfert,




Dans les aventures épiques du début de la campagne d’été, nous pouvons aussi observer les départs et retours de certains paquets.
La dépêche (sacs postaux) au départ de DDU doit rejoindre Hobart (Tasmanie) par l’Astrolabe. À chaque rotation, sa dépêche. Celle de R0 doit repartir par R0, tout du moins dans la mesure du possible. Avec les aléas, que nous pouvons connaître, le GP (gérant postal) doit sauter sur toutes les occasions possibles pour la faire partir...

Un hélicoptère ? Pas possible. À pied ? La distance est un peu trop loin. Un bateau ? Vu la banquise que nous pouvons avoir autour de nous, aucun moyen de mettre le SeaTruck à l’eau pour rejoindre l’Astrolabe. Un avion ? Pourquoi pas... les Twin Otter sont de petits avions qui sont montés sur skis lors des campagnes en Antarctique. Un de ces avions s’est posé sur la banquise à côté de l’Astrolabe... manque de pot cette fois-là, la dépêche n’était pas dans l’avion. Un faux départ. Le dernier vol au-dessus de l’Astrolabe ... une dépêche dans l’avion. La dépêche voyage, elle parcourt le monde, les moyens de transports... Morooka, Toyota, Flexmobil, Twin Otter, Astrolabe,... et le voyage n’est pas terminé...

Avec ce Twin Otter, mon successeur Julien et une campagnarde d’été, Aurélie ont fini par débarquer sur l’île. La campagne d’été a commencé.




Aurélie,à gauche et Julien, à Droite dans le Toyota, sur le chemin vers DDU. Ils sont arrivés par avion, en provenance de Terra Nova. On voit derrière le continent.

vendredi 18 novembre 2011

L’évolution,

Nous changeons. Le monde, notre environnement changent. Les choses vont de l’avant, en bien ou en mal, mais il me serait difficile d’en juger. Parfois une impression de retour en arrière nous assaillit. Mais rien n’est jamais vraiment pareil, même un film revu deux fois est différent, ou bien est-ce nous qui sommes différents ? Même l’Antarctique est différent chaque jour: tous les matins, en se levant, nous pouvons voir les mêmes icebergs, le même glacier, les mêmes bâtiments par la fenêtre. Mais de jour en jour, des subtils changements se font sentir ...

La glace apparaît, change de couleur au gré de l’hiver; la neige se dépose, s’envole, revient. L’homme y appose sa marque et le reste se charge de la modifier à sa guise.



Trou de pêche, le 16 mai, jour de sa pose.




Trou de pêche, le 30 juin, après une petite chute de neige.




Trou de pêche, le 30 juin, après avoir tassé la neige tout autour pour le protéger.




Trou de pêche, le 27 juillet, une fissure dans la banquise le traverse de part en part.




Trou de pêche, le 22 août après la première vraie chute de neige de l'hiver.




Trou de pêche, le 29 août, suite à la construction d'un igloo et d'un mur de neige.




Trou de pêche, le 23 septembre, la neige s'amoncelle petit à petit.




Trou de pêche, le 3 octobre, l'igloo et le mur ont disparu sous la neige. Le coffrage disparaît.




Trou de pêche, le 31 octobre, on peut s'y asseoir bien à l'abri du vent.





Trou de pêche, le 1er novembre, nous avons décidé de casser autour le tas de neige.

mardi 8 novembre 2011

Un début et une fin.

Le premier hélicoptère, le deuxième hélicoptère. Nos premiers contacts avec le monde extérieur, depuis des mois. Ils sont arrivés au compte goutte, doucement, de manière à faire les choses en douceur. Ils ont mis du temps à arriver. Nous les avons attendus dans un état d’esprit étrange.

L’Astrolabe s’est retrouvé coincé dans les glaces. Un glaçon par-ci, un glaçon par-là. La banquise ressert son étau autour de la coque.... il est rude d’avancer dans ce puzzle géant.... il est encore à ce jour bloqué dans la banquise, pris au piège. Il dérive au gré des courants.

La fin de l’hivernage! Le début de la campagne d’été!




Sur la photo, on voit les premiers hivernants débarquer de l'hélico. Ils sont au nombre de 6 sur base pour l'instant Les prochains arriveront avec l'avion en même temps que Julien, mon successeur.

vendredi 4 novembre 2011

Invasion,

Nous étions seuls sur notre caillou, ou plutôt sur une île couverte de neige et où quelques cailloux dépassaient. Aucun autre être vivant à part nous.
Nous pouvions aller là où nous le souhaitions. Mais avec le retour du printemps et du soleil, les volatiles sont revenus petit à petit: les Damiers du cap, les Pétrels géants, les Skuas, les Fulmars antarctiques.

Deux manquaient à l’appel! Les manchots Adélie et les Pétrels des neiges.
Ces deux oiseaux dépendent de la banquise... et malheureusement pour les adélies, ils ont un trajet plus important à marcher sur leurs deux petites pattes (nous de notre côté, sommes très heureux d’avoir encore une banquise bien solide... avec nos grandes pattes, nous pouvons encore aller loin pour découvrir de nouveaux icebergs).

Nous en avons aperçu un par-ci, un par-là. Ils ont d’ailleurs dû faire demi-tour pour cause d’ennui et de solitude car par la suite ils ont disparu.

Cahin-Caha, les adélies doivent arriver. Cahin-Caha, les adélies arrivent. Sur leur deux pattes, ils bougent des ailerons. Ils secouent la queue. Petit. Petit. Petit. Ils sont petits mais ils marchent aussi vite qu’un Empereur. Ils sont petits mais ce sont des pros de la glissade ventrale.

Les adélies nous envahissent.... !


Les choses en grand,

Aujourd’hui, j’ai décidé de voir les choses en grand. Aujourd’hui, j’en ai marre des petits poissons ou des pêches infructueuses. Aujourd’hui, j’ai décidé de ramener à manger, mais pas pour de rire. Alors aujourd’hui, j’ai pêché un phoque. Un phoque de Wedell.

Taille : 2-3 mètres de long
Poids : 300 kgs

Bref, pour une fois on ne pourra pas dire que je suis une mauvaise pêcheuse et que je ne ramène rien à manger...


mardi 1 novembre 2011

Ouverture,



Une vue de dessus de la base.


Pendant l’hiver, une partie des bases antarctiques se mettent en veille. Elles ne sont plus que des bâtiments, froids, vides de vie, des murs. Quand tu passes entre ces murs, que tu entres dans ces pièces, le froid mordant de l’hiver se fait sentir.
Aucun réconfort à être dans ces bâtiments. Tu te sens mieux à l’extérieur où le soleil peut réchauffer un peu ton corps.




Romain, l'électro, attendant de voir si de l'air sort par le tuyau d'échappement du groupe électrogène

Avec l’été qui arrive, il faut y remettre de la vie en attendant le retour des campagnards d’été, le personnel venant passer entre 1 et 4 mois en Antarctique.
Y remettre de la vie, signifie réchauffer l’ensemble des bâtiments, remettre la production d’électricité en marche, la production d’eau, remettre en eau les canalisations, déneiger les fenêtres, etc.
Pour certaines bases, ce sont les premiers arrivants qui s’en occupent. Dans l’archipel de Pointe Géologie, la présence de la base permanente Dumont D’Urville permet de s’occuper de la remise en route de la base de Cap Prud’Homme avant l’arrivée du premier bateau. Ce sont les techniques hivernants qui s’en occupent et après la remise en marche, une permanence est assurée. On ne sait jamais, si la base prenait feu ... !





Une vue à l'opposé de la première photo. Ce sont les conteneurs avec les frigos, congélateurs et les groupes électrogènes.
Benoît, le plombier vérifiant si le groupe froid du congèle fonctionne bien.

jeudi 27 octobre 2011

La fin,



Photo du côté du trou de pêche.
On voit Bélier au fond à gauche. C'est moi sur la photo avec le carottier.



Il est .. en fait je ne sais par où commencer, ni finir...

Nous sommes à la fin de l’hivernage. Huit mois que nous sommes là, seuls, huit mois que nous vivons en isolement,huit mois sur une île perdue dans le continent blanc. Un îlot de vie dans un désert.

Nous sommes quelques centaines à vivre la même chose tout autour du continent. Nous avons tous vécu au rythme des tempêtes, de la température et de la lumière. Nous vivons tous la fin de notre isolement. Mais comment décrire un hivernage, comment le définir, l’exprimer ?

Nous l’avons vécu. Nous y avons été des participants actifs, emplois différents, occupations variées. Un hivernage sera différent pour chacun d’entre nous. De plus, nous sommes trop impliqués pour pouvoir décrire les effets que ces huit mois auront eu sur nous. Nous le verrons à notre retour.
Certains disent qu’un hivernage rend les hivernants plus bêtes qu’ils ne le sont au début. Certains jours, nous en avons bien l’impression... mais ne le disions nous pas dès le départ ?... Qu’il fallait être un peu bête et dingue pour avoir l’envie d’hiverner !

Dans un hivernage, comme dans toute communauté, il y a des hauts et des bas, des rivalités, de grandes amitiés, des coup de blues, des moments d’euphorie. Toutes ces petites choses ont fait partie de notre quotidien. Elles font partie intégrantes de la société. L’hivernage s’est très bien passé pour nous tous. La vie n’est pas si différente d’une vie en colocation.

Je ne pourrais pas vous dire si je suis heureuse que cela se termine ou bien si j’ai envie que cela dure encore et encore. Je n’en sais rien. Je sais juste que j’aime la vie ici, mais je savais dès le départ qu’il y aurait une fin et que c’est comme ça. Il faut bien laisser la place aux suivants et leur laisser l’occasion de faire leur propre expérience.

L’Astrolabe est parti samedi dernier (le 22 octobre 2011) de Hobart, Tasmanie. Il a fait route sur Macquarie, des îles sub-antarctiques australiennes. Il a rencontré une tempête et a dû rester à quai. Il devrait être reparti aujourd’hui mercredi, sur la route de DDU.

Le premier hélicoptère devrait nous survoler dans moins d’une semaine. Notre premier contact avec l’extérieur. L’Astrolabe n’arrivera pas à quai. La banquise est encore trop épaisse. Nous allons de nouveau entendre le va et vient incessant de l’hélicoptère.

Voilà, c’est la fin de l’hivernage. Le temps aura passé trop vite. Il me reste trois mois sur base pour la campagne d’été et la campagne océanographique.




Un trou fait à la tarière un jour nuageux.
Photo de Mickaël.

dimanche 16 octobre 2011

Chasse au trésor,



Photo de Yves-Marie.

Pas la même journée, une semaine avant. Nous sommes allés transponder (mettre une puce sous la peau des mamans et des bébés phoque) à 5 kms de la base. Alors il faut emmener tout le matériel, de quoi attraper, peser, mesurer, tagger,..etc.

Et puis les phoques... bah ça sent pas toujours très bon... donc tout le monde a revêtu pour la première fois ou presque depuis le début de l'hiver, la tenue orange. Orange, couleur phare des tenues adéliennes !

Sur la photo, dans l'ordre, Basile, Sophie, Guillaume, Moi et Philippe.
Nous partons à Florence, une petite île juste avant les îles Dumoulin.


Le mois d’octobre correspond à la naissance des veaux: les bébés phoques. Les mamans phoques sortent alors de leur hiver mouillé pour aller se prélasser sur la glace, attendant sagement que leur rejeton veuille bien sortir de leur ventre. De loin, elles paraîssent être de grosses limaces polaires. On se demande même comment elles arrivent à sortir de l’eau avec un ventre aussi énorme. On se demande même, comment un phoque arrive à trouver la force de se hisser hors de l’eau.




Un bébé phoque et sa maman.

Bon en mal en, ils sortent de l’eau. Ils poussent comme des champignons sur la banquise. Des tâches grises apparaîssent et viennent ponctuer le blanc éclatant. Un peu de soleil, peu de vent, ce sont les ingrédients pour qu’ils daignent sortir leur bout du nez. Mais dès qu’un coup de vent se profile, ils retournent se cacher à l’eau, laissant là les mamans qui ont déjà mis bas.

Nous allons régulièrement leur rendre visite, vérifier que tout le monde est là et se porte bien. Comme les hommes, ils ne se ressemblent pas, ils ont des tâches sur le ventre qui les différencient les uns des autres. Les phoques de l’Archipel n’ont pas une vie libre... nous les surveillons ! De plus, ils ont une puce avec un identifiant .... leur prénom ou plutôt leur passeport pour l’atlas des phoques de Terre Adélie.



Combien y en-a-t-il ? une question se posant tous les ans. Combien avons-nous de phoques de Wedell dans l’Archipel ? Alors tous les ans, les hivernants partent à la chasse. Nous nous divisons en groupe et on se répartit à celui qui en aura le plus. Mais attention, il ne faut surtout pas compter les phoques d’un autre groupe sous peine de sanction pour tricherie ! Certains ont plus de chance d’en voir, d’autres moins. Nous parcourons l’archipel d’un bout à l’autre. 12 kms à l’Ouest de Pétrel. 9 kms à l’Est de Pétrel. Au sud, le glacier nous bloque. Au nord, nous n’avons que quelques icebergs parsemés ici et là.

Nous sommes partis de bon matin. Nous avons marché. Nous avons marché. Nous avons lorgné à la jumelle les tâches grises. Mais aucune n’est apparue. Les phoques ont déserté l’Archipel. Certains sont allés jusqu’au bout de leur zone... pour n’en voir qu’à la jumelle, encore plus loin. J’ai fait un grand tour de l’île... pour n’en voir que 5. Le trésor s’est fait rare cette année. Au total : environs 60 phoques. Certains n’en ont vu aucun. Dire que l’on nous avait promis une chasse fructueuse !

jeudi 13 octobre 2011

La 100 e,



Voici la célèbre 100e carotte !

On voit le mât Iono derrière.


En ce jour du 3 octobre 2011, nous avons réalisé la centième carotte de mon hivernage. Moi et mes «sous-VCATs» n’avons pas voulu manquer l’occasion et nous avons posé avec cette célèbre carotte.
Elle fut aussi l’occasion de réjouissances et de festivités, au sein de toute la communauté DDUnienne.



Mes sous-VCATs ... Xavier et Sophie. Il faisait vraiment beau cette journée là ! Voir même chaud.... on n'a pas de bonnet !

Sens dessus dessous,



Le séjour et les passerelles durant une tempête.
Photo de Sophie


Je lève la tête, le ciel est blanc. Je baisse les yeux, le sol est blanc. Le monde extérieur est de couleur blanche. Tout est recouvert d’un blanc éclatant. Un blanc qui fait plisser les yeux. Un blanc qui éblouit et que l’on ne peut pas regarder en face. On n’ose pas l’affronter du regard, hormis caché derrière un écran.

Il est blanc gris, il est blanc jaune, il est blanc tout court. Il est doux et volant, il est tassé, il est cotonneux, il vole. Sous toutes ses formes, il est blanc.

Nous pouvons plonger dedans, y nager, y marcher, s’y battre, s'y essouffler. Il nous fatigue, il nous épuise. Nous parons du mieux que nous pouvons, nous chaussons nos grands pieds et nous le survolons.

Une autre facette de notre monde.




Une tête qui dépasse... le toit que l'on aperçoit, est le toit de BIOMAR.
Photo de Sophie

lundi 10 octobre 2011

Rappel de poisson rouge,

Pour les poissons rouges et autres êtres vivants à courte mémoire.
L’adresse pour les courriers postaux est :

Camille Robineau
Base de Dumont D’Urville
District de Terre Adélie
Terres Australes et Antarctiques Françaises
Via Orly C.T.C.O.M
FRANCE

Par contre, n’envoyez pas de courrier après le 15 Novembre (France ou Etranger). Cette date correspond à l’arrivée du courrier par la rotation R2, rotation par laquelle je repars. Je risquerais de ne pas pouvoir voir votre belle lettre, ce qui serait fortement dommage !

mercredi 5 octobre 2011

Des paillettes dans le ciel,



Xav (au centre), moi et Basile enlevant les paillettes du chalut sous glace ...

Les paillettes. Ces paillettes qui font partie de mon quotidien. Elles sont là partout, tout autour de moi. Elles sont là dès que je pose un pied sur la banquise. Je sais qu’elles se cachent, là, en dessous de la glace sur laquelle je marche. Elles se tapient dans l’ombre de l’eau libre. Même là où je soupçonne sa raréfaction, elle se fait présente. Dans le trou de pêche, où je la pensais presque absente, elle sort en grandes quantités. Je la sors par dizaines de kilos, nous la pelletons, nous la sortons à l’épuisette. Au prochain engin de pêche, nous savons que nous risquons de recommencer.

Nous les avons lancées dans le ciel et les avons fait briller dans le soleil. Nous avons fait tomber la glace du ciel ... Il pleut de la glace de mer.
Le ciel nous est tombé sur la tête.



Ouahhhh les belles paillettes,.... !!!!!!! Faut bien s'amuser comme on peut, surtout quand on sort plus de 300 kgs de paillettes de glace.

Moi, Basile, Xavier et Arnaud.

Étendue d’eau libre,

Il y a un peu plus de deux semaines, nous avons subi une forte tempête durant plusieurs jours. Elle s’est heurtée contre la banquise. Elle a tapé contre la glace. Elle a fait bouger la mer, a créé des vagues. Elle a cassé la banquise.

Nous connaissions l’existence d’une polynie (zone d’eau libre entre la banquise créée par les courants) à une quinzaine de kilomètres de la base. Nous pouvions l’apercevoir du point culminant de l’île ou bien la deviner dans les nuages à l’horizon. Mais la polynie apportée par la tempête était bien plus proche. Elle se trouvait à moins de huit kilomètres, un petit peu au Nord de l’île Débarquement. Trop proche à notre goût, elle nous rappelait le caractère temporaire de notre séjour ici et le retour proche de l’Astrolabe.

Les manchots empereurs ont bien vite changé de direction et se sont rapidement dirigés vers cette polynie beaucoup plus proche. Un accès à l’eau et aux poissons beaucoup plus rapide pour nourrir les poussins. Les hivernants n’ont pas fait non plus la fine bouche, une nouvelle destination ... DDU plage. Du soleil, peu de vent, des lunettes de soleil et les jours suivants, tout le monde le maillot et la serviette sous le bras s’est dirigé vers la plage. Les routes des vacances étaient chargées, pour ainsi dire. Une fois la serviette étendue, les premiers baigneurs ont voulu se jeter à l’eau ... les envies de baignade ont par contre vite été refroidies ... le monstre d’Antarctique rode dans la zone, le léopard des mers. Alors pas question de mettre un orteil dans l’eau même pour les moins frileux !

Lors de ma visite à la polynie, celle-ci avait déjà regelé sur plusieurs centaines de mètres, mais nous pouvions observer au loin le miroitement de l’eau.




On peut la voir au loin.

L’adolescence,




Les poussins empereurs grandissent à une vitesse folle. Ils deviennent de vrais adolescents à vouloir imiter leurs parents, à chercher l’indépendance et en même temps à courir dans les jupons de papa et maman à la moindre frayeur.

Ils piaillent, ils piaillent. Encore et toujours. Réclamant qu’on les nourrisse. Se battent entre eux. Secouent les ailerons. Se promènent, mais jamais très loin des adultes. Ils craignent encore d’être seuls sur la banquise avec les Pétrels géants qui rodent.


dimanche 25 septembre 2011

Du vent,

L’Antarctique, un continent de vent ou presque. Le vent est surtout présent le long de la côte, alors qu’à l’intérieur même, celui-ci est quasiment absent. Mais tout cela n’est pas nouveau, je vous en ai déjà parlé.

Ce vent particulièrement fort, en certaines périodes (surtout au mois de septembre) ou pendant le passage des grosses perturbations, est sujet à des paris et à une possibilité d’inscription dans le livre des records DDUnien, tout comme la température d’ailleurs. À chaque nouveau coup de vent possible, nous espérons battre le record de la Terre Adélie, de plus de 240 km/h. Bien souvent, une fois la tempête passée, nous en sommes bien loin. Sauf lors de la dernière tempête, celle-ci nous a donné une rafale de 199 km/h pendant moins d’une minute. Ce n’est pas grand chose une minute mais c’est la rafale qui nous permet de battre les records des cinq dernières années. 199 km/h, fondamentalement, cela fait quoi ? Bah pas grand chose, nous dormions tous à cette heure-là ... Les records sont des secondes.

Et la neige soufflée nous balaye le visage ...




Par une journée, de vent et de neige.... à droite, BIOMAR, la passerelle menant au séjour 42, à gauche, le traîneau du quad.

À fond de cale,



La fine équipe qui m'a aidée ce jour-là à faire un trou à la tarière. De gauche à droite, Arnaud, Moi Camille, Basile, Philippe, Sylvain et Sophie prenant la photo. Malheureusement, cette tarière est tellement mal foutue, qu'il faut pelleter pour enlever les copeaux,... !!! Alors les autres regardent en attendant...

Les hivernants, après un hiver en Terre Adélie, ont bien généralement pris quelques kilos, un peu d'embonpoint pour lutter contre les rigueurs de l’hiver austral. Il nous faut bien cela pour vaincre le vent, le froid, la neige et surtout les manips pêche ... ! Ces manips sont tellement célèbres à DDU que le personnel recruté mange la veille au soir au moins l’équivalent de son poids au risque sinon de tomber en hypothermie et hypoglycémie.




Un hivernant passant dans le trou (Basile)

Malheureusement, pour aller se laver dans un trou de banquise "le trou du carottier", qui suffisait auparavant, ne permet plus de passer qu’un bras et encore avec l’épaississement de la banquise, nous avons quelques difficultés à descendre en profondeur le bras, pour atteindre l’eau libre. Alors nous avons dû voir les choses en grand et trouver de quoi faire un trou à notre taille : une tarière. De son diamètre, 70 centimètres, un bon gros hivernant peut passer facilement dans le trou. Les fesses ont parfois des problèmes pour passer mais avec un coup de masse sur la tête, l’hivernant plonge les pieds les premiers dans cette eau vivifiante. Cette découverte a pu révolutionner les narines et donner un coup de fouet au groupe. Nous sommes prêts à affronter le retour du soleil et des longues journées de marche (si la banquise reste parmi nous), prévues pour début octobre selon les dires de la météo.

En attendant, nous nous engraissons ...



Moi, Camille....