un parfum d'aventure, dans les eaux de l'antarctique

Je pars en Antarctique pour un peu plus d'un an, plus exactement en Terre Adélie, à Dumont d'Urville avec l'IPEV (Institut Paul Emile-Victor). Dumont d'Urville est une base de recherche polaire française, située en dessous de la Tasmanie. Mon rôle sera d'étudier les poissons et les organismes qui vivent sur le fond, en dessous de la banquise.

mercredi 29 juin 2011

Décès,

Nous avons le regret de vous annoncer le décès de M. L’Artetidraco. Ce petit compagnon a disparu dans la nuit du 13 au 14 Juin 2011. Les causes du décès nous sont inconnues mais fortement suspectées, une grève de la faim trop poussée ou bien l’intégration nouvelle à la communauté d’un mollusque de type Buccin.

La vie est bien triste maintenant. Mais je l’ai remplacé par une petite holothurie (concombre de mer) rose. Nous avons donc trois compagnons, qui se tiennent compagnie de manière relativement calme, un pycnogonide, une holothurie et un «buccin». Tout se fait donc avec lenteur et .. réflexion ???

À bientôt pour les prochaines nouvelles de l’aquarium.

Il était une fois,

Il était une fois la fin de la Mid’winter. Notre belle semaine de fête a fini par tirer à sa fin, une semaine d’activités, de décors, de jeux, de déguisements en tout genre. Chacun y a trouvé son bonheur, du repos, de l’occupation, du sommeil, des soirées qui durent... Le séjour avait paru ses beaux atours, il avait revêtu un peu de chaleur. Et je me tiendrai à mes précédents messages, je ne vous dévoilerai rien de plus. Pour deux raisons, la mid’winter doit rester en Antarctique et il ne faudrait pas donner des idées aux futurs hivernants... à eux de chercher et d’inventer !

Mais le temps passe vite et la semaine est terminée. Tout revient tellement facilement à la normale. Toute trace a disparu. Enfin presque, ... il reste quelques bouts de décors par-ci par là, attendant d’être redescendus dans le grenier, pour être ressortis l’année prochaine ou dans dix ans.

Et puis le travail, c’est la santé n’est ce pas ?

dimanche 19 juin 2011

La mid’winter,

La mid’winter... nous y sommes. La moitié de l’hivernage, la journée la plus courte, le début de l’hiver antarctique, la semaine de vacances, la semaine de fête et d’activités,...etc. Enfin semaine de vacances ou de fêtes, cela dépend bien pour qui. Il paraîtrait que nous, les français, sommes les seuls à avoir le droit à une semaine de vacances. Nos voisins continentaux n’auraient eux le droit qu’à un long week-end, voir un petit dimanche.

La mid’winter est aussi un peu notre nouvelle année, cette semaine là marque le retour vers les beaux jours et à la vie. Alors histoire de montrer que nous sommes toujours vivants et de faire un peu de politique, nous envoyons une carte de voeux aux bases antarctiques. Nous n’aurons jamais autant reçu de mails provenant de l’extérieur, les bases russes, japonaises, australiennes, américaines, argentines, indiennes et j’en passe... chacune est agrémentée d’une photo de groupe, alors nous comparons l’habillement, l’âge moyen, les locaux, ... et puis l’on se dit que l’on est bien chez nous. Et nous voulons faire la photo la plus «cool» !

En primeur, voici la photo de groupe de la TA61 en ce premier jour de Mid’Winter.

Et pour la suite,.... il vous suffira d’attendre que nous rentrions en France afin d’avoir les petits détails croustillants des fêtes mid’winterines.... je continuerai de me taire sur ce point.

samedi 11 juin 2011

Un orteil dans l’eau,

ll a été recensé des pertes d’orteils successives au cours des hivernages.
Les hivernants, suite à une ballade sur la banquise, perdaient un ou plusieurs orteils sans aucune raison notable. Les médecins ont bien pensé à des gelures et autres. Mais les symptômes ne sont pas très convaincants pour cette hypothèse. Ils se sont bien souvent creusés la tête, certains ont même un trou sur le sommet de leur crâne...

Ils n’avaient à leur disposition que le pied de ces fameux hivernants et des restants d’os....la solution n’a jamais été trouvée. Le mystère reste entier...

Rendez-vous au trou maudit,

Vous avez déjà entendu parler des maisons hantées ? Des personnes apportant la malchance avec eux ? De ces endroits où si vous y allez seul, des ennuis en ressortiront ? Ces endroits, qui vous font peur et que même, non superstitieux que vous êtes, vous évitez. Le moindre problème, qui vous arrive par la suite, ne peut qu’être la cause de cette visite, cette visite que vous n’auriez jamais dû réaliser.

La base n’est pas hantée, seulement par le souffle du vent durant la nuit. Tu t’enroules sous la couette et l’écoutes siffler. Tu l’écoutes siffler dans les bergs, il résonne à travers la glace, fait vibrer les cristaux de glace. Le vent souffle aussi tout autour du coffrage bois. Il est bien hanté par un phoque, mais celui-ci est bien vivant. Il a eu beau me faire peur de multiples fois, il n’a pas l’air d’un monstre ou en tout cas pas d’un léopard des mers. Mais le trou de pêche est maudit d’après notre mécanicien, Justin...


Vous ne nous croyez pas ? Je vais vous raconter l’histoire de cette journée qui lui a apporté ce joli petit surnom....

Voilà un peu plus de deux semaines, si mes souvenirs sont exacts (j’ai mis du temps à rassembler les photos), et je m’en allais au trou de pêche pour mettre BébéROV à l’eau, accompagné d’Arnaud, mon sous-VCAT bébéROV. La journée avait commencé de très bonne heure (mais pas trop) afin que tout soit fin près pour partir au lever du soleil. Aucune minute n’est à perdre en cette période de l’année où la lumière n’est que passagère. Justin avait prévu de nous accompagner pour nous aider une fois sur place à réaliser un trou à la tarière.

Je le retrouve au garage afin de charger moteur et autre... la journée commence. Le moteur de la tarière ne voulait pas démarrer.....après avoir effectuer de multiples tentatives, avoir noyer le moteur... ce n’était finalement qu'une bougie encrassée.

Le muskeg, l’engin du passé, repart de BIOMAR dans la clarté toute nouvelle de la journée. Nous sommes bien habillés et préparés à affronter quelques heures de froid. Aujourd’hui, il fait - 25°C avec quelques petites rafales de vent mais rien de bien méchant. Les doigts sont protégés, nous devons en prendre soin, ils sont nos atouts en cette journée. Sans eux, nous ne pourrions pas contrôler le ROV. Alors nous roulons .... Le muskeg s’arrête. Là comme ça. Justin d’un regard me signifie qu’il sait ce que c’est....



En deux, trois mouvements, il ouvre le muskeg, plonge les quatre fers en l’air dedans et après une minute ressort victorieux.... ce n’était qu’un câble électrique débranché !

Nous avons finalement réussi à arriver à bon port. Nous avons une demi-heure de retard sur le programme... rien de bien méchant.... tout retard est prévu ! Tout se déroule pour le mieux en ce début de manip, Justin repart, il est de petite Marie. Nous nous retrouvons tous les deux, Arnaud et moi, autour du trou noir, de temps en temps, nous apercevons le ROV, mais au bout d’une demi-heure, les doigts n’existent plus! Ils ont succombé au froid ambiant. Nous soufflons dessus.... les chaufferettes ne doivent chauffer que l’intérieur d’elles-mêmes et ne sont donc que peu efficaces. Rien à faire. Il faut tout laisser sur place et aller à l’abri. Direction le mât Iono et son shelter chauffé. Hum de la bonne chaleur ! Mais il va bien falloir retourner affronter le monde extérieur. Nous ne pouvons pas rester enfermer ici indéfiniment jusqu’à ce que les températures soient plus clémentes.

Il est 13 heures. Justin a fini et nous rejoint.


Le trou commence à être hanté. Après avoir mis quelques temps à faire un second trou, le vrai travail peut commencer.


Nous nous installons. Dans le trou fraîchement percé, il faut mettre un émetteur acoustique qui permet de se repérer dans l’espace une fois sous la banquise. Il doit être alimenté par une batterie....manque de pot avec le froid, les câbles deviennent solides et cassants. Un premier casse, aucun moyen sur place de le réparer. Et le deuxième suit le même chemin. Rien à faire. Le jour tombe. La nuit sera bientôt à nos portes. Et le trou qui aurait pu servir de puit de lumière pour se repérer ne sera bientôt qu’un trou béant et invisible.

Quelque part dans BIOMAR, une grosse lampe torche se cache. Je décide d’aller la chercher. Arnaud et Justin doivent rester sur place pour finir d’installer et surveiller le matériel. Mais une règle existe sur ce continent de glace, ne jamais être seul sur la banquise sous peine de sévisse de la part de la DISTA.

•La radio La radio pour Camille
•Oui Camille
•Me donnerais-tu l’autorisation d’aller du trou de pêche à BIOMAR en quad toute seule ?
•Ce n’est pas à moi de te la donner, demande plutôt à Marion

•Marion Marion pour Camille. As-tu entendu la conversation ?
•Camille, c’est Xavier. Marion est juste à côté.
•Me donne-t-elle son autorisation, s’il te plaît. S’il te plaît Marion....
•Veux-tu que je me mette à genoux devant Marion pour toi ?

•Si cela peut lui faire accepter, oui oui oui
•Après quelques réticences, elle accepte. Tu me remercieras
•Tout ce que tu voudras !

Avec une autorisation en main, j’enfile un casque et me prépare à partir ... le quad ne démarre pas. Justin essaye.... il n’a pas aimé le froid.... il a attrapé la crève et une baisse d’énergie.


Le quad n’a plus qu’une batterie à plat. Chouette !!! (Merci quand même Xavier!).

Alors Justin repart pour la deuxième fois de la journée et gravit la montagne. Nous le voyons parcourir les flans de l’île. Gambadant et glissant entre rochers et neige. Il est chargé de tout son attirail. Un pack batterie présent sur place fera office de source d’énergie. Justin, notre mécanicien de l’extrême !

Après tant d’émotions, le retour se fait rapidement.


Hum le bon chocolat chaud qui m’attend... Miam Miam Miam !

Alors vous me croyez maintenant ?

Et vous ne savez pas quoi ?

Vous ne savez pas quoi ? C’est bientôt le 21 Juin ... Mais quelle importance me direz-vous ? C’est l’été et alors ?
C’est là que vous avez tord, le 21 Juin n’est pas le jour de l’été mais le jour du début de l’hiver. Nous sommes dans l’hémisphère Sud et nous ne nous en allons pas vers les journées, à boire des verres en terrasse ou à aller se dandiner sur la plage de sable fin. Nous nous en allons vers les journées sombres et froides...

Pour pallier à ce problème, les antarctiquiens ont inventé une chose... la fête ! (Ce n’est pas eux... ? Ah bon.. ? Je ne savais pas...désolée pour ceux qui l’ont inventé alors). Enfin bref, la semaine qui comprend le 21 Juin est une semaine de fête pour toutes les bases en Antarctique. C’est la semaine de la Mid’Winter. Elle permet aux uns et aux autres de s’occuper la tête et d’éviter de penser aux autres et aux conflits et tensions qui peuvent être présents dans tout groupe. Elle est aussi un moment où tout le monde se retrouve, joue, discute. Elle est notre semaine de vacances d’hiver. Elle se prépare depuis déjà plusieurs semaines tout doucement mais on sent de la fébrilité dans l’air.... elle commence dans une semaine. Tout doit être fin prêt !

Je pourrais vous raconter beaucoup de choses,.... mais chut... je ne peux rien vous dire de plus. La Mid’Winter fait partie des choses qui restent en Antarctique et dans la tête des hivernants...

vendredi 3 juin 2011

Le train train,



Nous vous parlons de nos exploits de zéros polaires, de nos anecdotes, des choses drôles que nous faisons. Mais jamais, vous entendez parler du train train quotidien, celui qui nous tient, celui que nous ne pouvons jamais lâcher. En Terre Adélie, il est d’autant plus présent que la vie suit son cours tranquillement sans qu’aucun facteur extérieur ne vienne la dévier. Nous avons créé notre petit cocon.

Tous les matins, les hivernants sortent prendre leur petit-déjeuner (ou pas), une couette enroulée autour du cou. Celle-ci, nous tient chaud le temps que l’état de demi-réveil s’évapore et limite l’effet douche froide de la sortie vers le monde extérieure. Bien enveloppée, tu as bien de la peine à sortir, tu lèves les yeux et tu ne vois rien, mis à part quelques points qui brillent. Points qui seraient plutôt des tâches lumineuses quand on oublie ses lunettes et que l’on possède une vue aussi développée que la taupe. Le noir te donne l’envie de retourner te blottir au chaud. Les volets ne servent plus à rien, sauf les soirs de pleine lune où sa lumière est tellement intense que tu as l’impression d’avoir un projecteur dans les yeux. Rien de tel pour s’endormir !

Une fois le petit déjeuner pris, il faut travailler et se motiver à travailler. Le noir ambiant te donnant l’impression qu’il est 4 heures du matin, alors tu te demandes pourquoi tu es levée et tu te dis que peut-être ton lit s’ennuie tout seul, là-bas au 42 et qu’il a froid et qu’il faudrait aller lui donner un peu de chaleur... ou peut-être est-ce moi qui voudrait de la chaleur ? .... Bref, après deux à trois tasses de thé (je n’aime pas le café), la journée prend un virage, ... vers les toilettes. Mais sauf votre respect, après trois tasses de thé et quelques mails et autres travaux informatiques, le soleil est levé. Il fait jour sur la base. Il est temps de mettre en route la machine. Le branle-bas de combat commence, il faut rassembler tout le matériel et se préparer à sortir, casse-croûte, thé chaud et sucré, tout ce qui peut tenir au corps et donner des calories pour résister contre le froid et faire barrière contre les infiltrations de baisse d’énergie.

.....

Quelques heures plus tard, les doigts et les orteils disparus, manchote je suis devenue, ainsi que mes compagnons de travail du jour. Il faut rincer le matériel et le ranger... ou peut-être que cela attendra demain. Aujourd’hui je n’ai pas le courage. Demain sera une bonne journée pour rincer...en attendant il y a mieux à faire.... un chocolat chaud et du pain bien frais comme goûter pour se redonner de la vitalité. Manque de pot, cela ne fonctionne jamais. La machine à digestion se met en route et c’est le sommeil qui te rattrape. Une solution pour ne pas sombrer dans les tréfonds de l’endormissement ? Certainement pas devant un ordinateur ...

Dans un état de somnolence, tu attends le repas du soir, n’attendant plus qu’une chose qui est les bras de Morphée (qui est un homme soit dit en passant...). Arrivée à table, tu regardes les autres hivernants, tu cherches qui manque, qui est l’absent, qui a sèché, et tu écoutes les dernières péripéties en rêvant à ton oreiller....

Le soir ? Mais quel soir ? Je dors le soir !

Dis Papa,



Dis Papa, vais-je naître ? Dis Papa, verrai-je un jour le ciel d’Antarctique ? Pas facile de répondre à cette question. Les femelles ont pondu puis elles ont quitté l’archipel. Des 6500 manchots empereur, nous n’avons maintenant plus que 2-3000 manchots papa empereur. Toutes les mamans et les célibataires sont repartis vers des contrées moins froides et plus poissonneuses et surtout vers des contrées avec peu de banquise.

Les papas gambadent, tant bien que mal sur leurs pattes, avec dessus un oeuf perché. Ils ne doivent pas le laisser tomber. Une perte et le petit ne verra jamais son papa. Tant d’oeufs sont perdus en raison de maladresses, de difficultés à passer l’oeuf entre les partenaires... ces petits n’auront malheureusement jamais existé.

L’oeuf roule sur la banquise verte, le papa le regarde, mais il sait que c’est peine perdu. Il est bredouille et tout penaud.

Pendant ce temps, plein de petits grandissent, se développent. D’ici un bon mois, le premier viendra pointer son bec à travers le coquille. Et c’est la vie qui redémarre....