un parfum d'aventure, dans les eaux de l'antarctique

Je pars en Antarctique pour un peu plus d'un an, plus exactement en Terre Adélie, à Dumont d'Urville avec l'IPEV (Institut Paul Emile-Victor). Dumont d'Urville est une base de recherche polaire française, située en dessous de la Tasmanie. Mon rôle sera d'étudier les poissons et les organismes qui vivent sur le fond, en dessous de la banquise.

vendredi 27 mai 2011

Un oeil te voit,

Depuis que le trou de pêche permanent a été mis en place, plus le choix, même par mauvais temps, il faut sortir. En deux jours, 5-10 cm de glace se forment suivant la température extérieure. Rien de bien affolant, mais nos mamans nous ont toujours dit: il vaut mieux prévenir que guérir. Alors, je sors mes doigts au dehors du cocon, pour aller les faire travailler la glace. Une bonne paire de sous-gants et une bonne paire de mitaine, le tout suffit à leur faire plaisir. Bien emmitouflés, incapable d’attraper quoi que ce soit, sans plus aucune dextérité, les doigts sont devenus les plus forts de l’Antarctique. Au contact de l’air, ils ont quelques petites réticences à continuer, mais l’importance de la mission leur donne du courage.

Arrivés au trou, armés d’une hachette, d’une pelle et d’une épuisette, ils attendent l’ouverture du coffre au trésor. Qu’elle sera la surprise du jour ? Oh comme d’habitude, une plaque de glace !

Mais un trou béant apparaît. Pas très grand. Juste de quoi passer une cuisse (de canard, de gros canard d’Antarctique). Il ouvre sur un horizon des profondeurs glaciales et sombres desquelles n’importe quel monstre peut sortir. L’imagination peut faire son oeuvre .... et je laisse la vôtre se faire leur propre scénario.


...

L’eau remue de manière étrange. Elle monte et elle descend à un rythme rapide. Les marées et les vagues ne peuvent être responsables de ces remous. Comme s'il y avait de la succion. Une ombre passe. Je ne peux voir clair, la glace a commencé à se reformer. Une forme émerge. Je hurle, mon coeur bat vite. Un bruit d’air soufflé se fait retentir. Et deux yeux noirs te regardent...


lundi 23 mai 2011

Un petit pas vers l’extérieur,



La période de jour commence à décliner, ou plutôt fini tranquillement de nous mettre dans le noir. Ce sont les derniers jours pour sortir plus loin que le tour de l’île. Le soleil se lève après 10 heures et se couche avant 15 heures. Le matin ressemble au soir. Le soir ressemble au matin. À 8 heures du matin, tu as l’impression qu’il va être l’heure d’aller se coucher ou qu’il est 3 heures. Le soleil perd de sa force.

Alors profitons des rayons de soleil qui survolent encore le continent....

D’un bon pas, nous sommes partis de bon matin vers Cap Prud’homme, Sylvain, Benoît et moi. Cap Prud’homme est une base annexe de la base Dumont D’Urville, ou plutôt une base franco-italienne qui sert de point de départ pour les convois vers la station Concordia, quelques 1200 kilomètres vers l’intérieur des terres. Elle est située à 5 kilomètres par la mer, au bord du continent. Pour cela, il faut marcher sur la banquise, vaincre sa peur de marcher sur l’eau. Nous avons bien souvent plus de 50 mètres d’eau sous nos pieds.

Depuis le point de départ, tu peux voir la base. Elle te nargue là-bas, tout là bas. Tu peux voir les points oranges dispersés sur la glace. Elle te semble tellement proche. Sur le chemin, tu croises des icebergs, des îles, la Vierge, Gouverneur, Roméo et Juliette, Sagittaire, Bélier,..tout cela dans le désordre.

Le froid est mordant et les arrêts courts. Le fait de sortir la main de sa moufle cause un refroidissement général des doigts, qu’il faut après secouer pour les faire revivre. Adieu, les longues pauses assise sur la glace de la campagne d’été. Ici, on observe les icebergs en bougeant, en tournant autour. Les yeux font des aller-retour entre le sol et les environs. La glace est toujours pleine de pièges.

De Prud’homme, la base paraît lointaine. Seul, le mât Iono se distingue à contre-jour, notre point de repère! Nous montons jusqu’à D10, la piste d'atterrissage, à 300-400 mètres d’altitude. Et là, nous pouvons voir de l’autre côté du glacier. Nous pouvons découvrir tout le monde que le glacier nous cache. Celui-ci est ... identique à notre côté, avec quelques îles en moins. Mais notre monde ressemble à l’autre. Le continent antarctique est le continent blanc. De notre côté,les îles se dispersent, il y en a tellement. Tu voudrais connaître leur nom, pouvoir les identifier. Elles parsèment de paillettes la banquise ...

mardi 17 mai 2011

Un Muskeg pour un Quad

Le Muskeg nʼest pas un animal rare présent seulement en Terre Adélie. On doit le trouver certainement dans dʼautres contrées froides et lointaines, dans toutes régions où la neige est présente en abondance (bien que depuis le début de lʼhivernage nous nʼavons eu que de rares chutes de neige, elle se fait attendre par ici...).

Le muskeg est une machine sans roue mais une machine qui avance. Le muskeg est une machine avec des chenilles, il roule sur ses chenilles. Elles lui permettent de sʼaccrocher sur la neige et dʼavancer cahin caha. Le muskeg est une machine qui pétarade, fait du bruit et casse le silence de la banquise.


Mais le muskeg est un bon remplaçant du quad. En bref depuis notre épisode dʼembourbement du quad, celui-ci reçoit les bons soins du garagiste afin de recevoir lui aussi deux paires de chenilles à ses pieds. Alors sans quad et une pulka qui a quelques tendances à ne plus supporter que de faibles charges, nous sommes allés dans le Pré (de glace) pour effectuer une manip de routine en muskeg... plus lʼhiver avance, plus les grosses machines sortent !

Un trou de glace permanent

Étrange titre que celui de ce message. Un trou de glace permanent...mais comment un trou de glace peut-il être permanent ? N’y a t-il pas des risques à la recongélation ? Ai-je mis un chauffage dans l’eau afin d’avoir toujours une polynie à disponibilité (une polynie est une zone d’eau libre dans la glace, elle se forme pour diverses raisons) ?

Permanent serait alors un peu exagéré. La glace se reforme dans mon trou, je n’ai aucun moyen de l’éviter. Mais je peux réussir à la limiter, grâce à un coffrage en bois. Un coffre ouvert aux deux bouts, qui permet de garder le trou dans sa forme originelle et un couvercle qui permet de l’isoler du froid ambiant. De quoi ralentir au moins un peu la formation de la glace. De plus, il me permet de toujours travailler au même endroit et je n’ai plus besoin d’utiliser la tarière et de demander des bras forts et musclés à chacune de mes sorties.

Par un beau soleil, une pulka et quatres mules, Guillaume, Justin, Arnaud et moi, nous avons avancé sur un territoire blanc. Le GPS indiquait la direction à prendre. Nous ne sommes pas allés bien loin, seulement à 500 m de l’île des Pêtrels, entre Pétrels et Bélier. La base toujours en vue, aucune raison de s’inquiéter.


Un bruit de moteur. Justin a commencé à découper. Carré par carré. Le jeu : passer les cubes en dessous de la banquise afin qu’ils voguent au gré des courants. Le tout a rapidement été terminé. Le coffrage mis en place sans grande difficulté.





Un cube au milieu de nulle part. Un cube perdu sur la banquise. Un cube un petit peu bancal. Un point de repère. Un objet perdu....


vendredi 13 mai 2011

Comme au cinéma,

Par une sombre matinée en Antarctique, ayant l’incapacité d’aller dehors, j’ai décidé d’aller au cinéma. Je suis allée me pointer au guichet leur demander quel film passait en ce moment. Ils m’ont répondu qu’en ce moment, c’était la période creuse et que seuls, douze films étaient disponibles. Les titres en main, je me suis mise à lire les résumés.

1er film : REVO_135, plongée d’une heure dans les profondeurs de la fosse de Fram.
2ème film: REVO_136, plongée d’une heure dans les prodondeurs de la fosse de Fram 2
3ème film : REVO_184, plongée d’une heure dans les environs de l’île la Selle.
...
12 ème film : Plongée pour le plaisir au pied du glacier.

Devant ce vaste choix et ne sachant pas comment me décider, j’ai choisi le premier de la liste. Installée bien confortablement dans un fauteuil, le film a commencé. Les premières images furent stupéfiantes et puis tout le reste de la vidéo alla sur le même rythme. Des îlots de vie foisonnante, puis absence de vie visible. Quelques poissons m’ont surpris. Le suspens était présent jusqu’à la fin... Vais-je voir un poulpe ? Vais-je voir un poisson plat ? Va-t-il y avoir un cataclysme ? Mais rien n’est apparu. Je serais bien retournée au guichet pour leur dire de me rembourser, mais il n’y avait plus personne. J’ai commencé le deuxième, il faisait toujours nuit dehors. J’ai replongé dans des profondeurs un peu plus ... «vaseuses» ... Pour être sûre de ne rien louper, je recommence les visionnages, je ne veux rater aucun détail, je veux remarquer toutes les différences. Je veux observer tout ce qu’il est possible de...

À chaque fois, je replonge dans un univers inconnu, dans un noir profond.
Mes yeux s’habituent au rythme des mouvements de la caméra et je plonge la tête la première dans l’eau....









jeudi 12 mai 2011

Une mule, un renne, une pulka ...



De quoi apporter pour se ravitailler, un peu de matériel, beaucoup de machines,... Le poids d’au moins trois ânes morts. J’ai beau être une mule, je n’ai pas encore la capacité physique de porter à moi toute seule trois ânes morts. J’aurais bien pris avec moi une vraie mule, mais je crois qu’elle n’aurait jamais résisté au froid ambiant. Un renne.... je serais allée le chercher au pôle Nord, il aurait traversé les océans avec moi. Un renne de compagnie, il m’aurait tenu chaud sous ma couette cet hiver.

Mais les animaux sont problématiques en Antarctique, pour plusieurs raisons. Il faut les nourrir et donc apporter de la nourriture spécifique spécialement pour eux. Il faut les loger au chaud, leur donner du foin pour se coucher. Et puis nous n’avons pas le droit d’amener d’espèces étrangères en Antarctique (sauf l’espèce humaine...). Donc la mule et le renne, je peux oublier.

Pendant les prémices de la banquise, lors de sa période jeune et fragile, je chargeais tout le matériel sur une pulka (un traineau) et je faisais la mule, aidée bien sûr par mes co-hivernants. Et bien souvent, ils tiraient plus que moi ! Les sangles passées par-dessus l’épaule, la pulka essayait de glisser tant bien que mal sur la glace et la neige. Parfois pour parcourir 300 mètres, parfois plus d‘1km. Les troupes petit à petit se désagrégeaient. Le nombre de volontaires, dés que je parlais de pulka, diminuait.... Comment tenir tout un hiver ?

Après plusieurs semaines, la banquise s’épaissit, de telle manière que les véhicules peuvent circuler dessus.. comme un quad... un quad, des traîneaux, un bon moteur qui ronronne, le crissement des pneus dans la neige... et le tout qui glisse avec facilité sur la banquise.

Nous étions un jour de neige. Les lunettes sous l’effet de la respiration s’embuaient. Pas de possibilités de descendre, la visière au risque de ne plus rien voir pour les mêmes raisons, pas de masque non plus. La neige pénètre dans les yeux. Les yeux se plissent, concentrés sur la route à suivre.

Un chemin à tracer. La première route ouverte. Une neige qui s’accumule par endroit, principalement derrière les îles comme Mauguen et Rostand. Et un petit quad qui s’enfonce, s’enfonce sous la neige. Bientôt, nous ne voyons plus que le dessus des casques. Impossible de faire demi-tour. Nous devons aller de l’avant mais bientôt les pneus glissent et dérapent. Ils n’ont plus aucune prise. Nous sommes à l’arrêt. Alors armés de nos mains gantées et de nos pieds, nous déblayons la neige. Nous nous roulons dans la neige pour la tasser. Nous finissons par redémarrer le quad et essayer d’avancer....une aide humaine aura été nécessaire....

Alors pour finir nous sommes retournés dans le Pré, une zone en plein vent où la neige ne s’accumule pas.....




mardi 3 mai 2011

Le lavoir,

À bien des points de vue, nous ne sommes pas les héros polaires des années 50. Notre vie est bien plus facile sur la base que la leur a pu l’être. Ils étaient tous rassemblés dans un bâtiment appelé Maret, qui existe encore sur l’île. Il est d’ailleurs protégé comme faisant partie du patrimoine. Ils étaient six, pour deux chambres et un salon, le tout pour une superficie de 60 mètres carrés au maximum. Tous ensemble pendant un an, dans le noir de l’hiver. Tout ce dont ils avaient besoin, ils devaient aller le chercher. Ils étaient six à devoir se serrer les coudes.

Alors imaginez six hommes pendant un an. Peut-être bien une machine à laver dans les parages, mais pas la grande classe. Pour faire la lessive, il faut se restreindre, l’eau potable n’est pas monnaie courante par ici. À moins de laver, le linge a l’eau salée....

Dites vous, qu’avec un carottier comme celui que j’utilise cela est tout à fait possible. Tu réalises un trou dans la glace. Tu mets un filet au bout du carottier et comme les lavandières, le linge est brassé à l’intérieur du carottier. Non pas que j’ai essayé, mais j’avais bien l’impression de brasser du linge cette fois-là. Nous avions carotter et nous devions récupérer la carotte. Mais au moment de la sortir, impossible elle est coincée. Triste carotte. À renfort de je te secoue, je te tape la carotte (j’en ai cassé mon bâton de marche), rien ne pouvait y faire.

La glace est plus froide que l’eau de mer, entre -2 et -9 °C du bas vers le haut de la carotte. Et l’eau de mer est entre -1.5 et -2°C. Peut-être, allons-nous réussir à faire fondre la carotte. Remettant le carottier dans le trou, nous brassons, nous brassons. La carotte bouge à l’intérieur du tube. Nous continuons de brasser pendant quelques minutes. Le résultat ? Cela marche ! Les lavandières de DDU vous passent le bonjour et vous envoient rapidement leurs tarifs...

Des cailloux,

Il en existe bien des sortes: des petits, des gros, des ronds, des anguleux, des doux,... Certains sont assemblés pour former un gros caillou, une roche. Leurs couleurs changent aussi. Nous les trouvons partout sous nos pieds. Parfois loin en-dessous, parfois nous grimpons dessus. Un caillou est solide, il résiste à bien des chocs. Enfin ceux dont je vous parle sont solides, ouhla oui ! Mais peut-être pas de là à leur marcher dessus. Ils sont un peu capricieux, ces cailloux là. Ils ont en plus tendance à bouger, à apparaître et disparaître. Au grès des vents et des temps, ils évoluent. Les cailloux poussent à DDU.