un parfum d'aventure, dans les eaux de l'antarctique

Je pars en Antarctique pour un peu plus d'un an, plus exactement en Terre Adélie, à Dumont d'Urville avec l'IPEV (Institut Paul Emile-Victor). Dumont d'Urville est une base de recherche polaire française, située en dessous de la Tasmanie. Mon rôle sera d'étudier les poissons et les organismes qui vivent sur le fond, en dessous de la banquise.

vendredi 22 avril 2011

Seule dans la nuit,

La base vit aux dépens de la centrale et de ses groupes électrogènes. Sans eux, nous ne serions pas là. Ils sont notre source de chaleur, d’électricité et d’eau. Tous ces éléments sont indispensables à notre vie. L’électricité peut-être moins mais nous avons besoin d’eau et de chaleur. Le bois brillant par son absence et l’eau douce étant impossible à obtenir sans faire fondre de la glace, le problème n’est pas résolu sans la centrale. Les groupes tournent 24h/24 et 7j/7. De ma chambre, je peux entendre le doux ronronnement des moteurs. Leur son est notre repère. Le silence est donc rarement complet. Parfois je me cache à l’autre bout de l’île afin de quitter les bruits de la base et écouter le craquement des banquettes. Mais je tergiverse et même si l’on peut fuir son bruit, nous ne pouvons lui en vouloir.

Tout le jour, le chef centrale et le second de centrale oeuvrent parmi les groupes, le bouilleur (pour produire l’eau douce), etc. Ils les surveillent et les bichonnent comme leurs enfants. Nos deux comparses ne sont pas des sur-hommes et comme la plupart des êtres humains, ils ont besoin de sommeil. La nuit, ils s’en vont rejoindre leur couette et les bras de morphée. La centrale est laissée à l’abandon!

Oh mais que non ! Toutes les nuits, un hivernant est présent et assure le quart. Il vérifie leur bon fonctionnement toutes les deux heures entre 20h et 6h30. Il effectue des relevés et appelle les personnes concernées en cas d’alarme. Tout ça n’est pas très palpitant. Mais c’est un bien pour un mal. Alors on emmène tout ce que l’on peut pour s’occuper, même si bien souvent, cela se résume à regarder des films assis seul dans son fauteuil.

Les "techniques" sont obligés de les effectuer. Mais nous, les scientifiques, pouvons aussi y participer afin de les soulager. Ce sont aussi les moments où nous pouvons faire tout ce que nous repoussons la journée.

J’ai réalisé ma première nuit lundi dernier. Toute seule dans le noir. Toute seule, je me suis retrouvée par une nuit de tempête. Le bruit des moteurs couvrait le bruit du vent et de la neige. Des hivernants m’ont tenue compagnie jusqu’à minuit. Après cette heure passée, j’ai perdu tout courage. Je n’avais plus la volonté de réaliser tout ce que j’avais prévu. Après 2-3 mails, tu en as marre ; tu as l’impression de raconter un peu les mêmes choses. Alors tu vas sur le réseau Adélix et tu cherches un film suffisamment long et intéressant afin de ne pas t’endormir. Le plus dur est vers 3 heures du matin. Tes yeux se ferment. Tu dodelines de la tête. Tu sors vers le séjour, mets ta lessive à sécher. Tout est noir. J’ai peur du noir et de la nuit. J’ai peur du monstre qui risque de sortir d’un recoin. Je cours malgré l’interdiction de courir sur les passerelles. Je retrouve la douce chaleur de la centrale et sa sécurité. Je rechigne à en sortir. Les minutes défilent. Mon remplaçant arrive à 6h30. À 6h37, je suis sous ma couette toute endormie. À 6h40, je dors.

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