un parfum d'aventure, dans les eaux de l'antarctique

Je pars en Antarctique pour un peu plus d'un an, plus exactement en Terre Adélie, à Dumont d'Urville avec l'IPEV (Institut Paul Emile-Victor). Dumont d'Urville est une base de recherche polaire française, située en dessous de la Tasmanie. Mon rôle sera d'étudier les poissons et les organismes qui vivent sur le fond, en dessous de la banquise.

jeudi 27 octobre 2011

La fin,



Photo du côté du trou de pêche.
On voit Bélier au fond à gauche. C'est moi sur la photo avec le carottier.



Il est .. en fait je ne sais par où commencer, ni finir...

Nous sommes à la fin de l’hivernage. Huit mois que nous sommes là, seuls, huit mois que nous vivons en isolement,huit mois sur une île perdue dans le continent blanc. Un îlot de vie dans un désert.

Nous sommes quelques centaines à vivre la même chose tout autour du continent. Nous avons tous vécu au rythme des tempêtes, de la température et de la lumière. Nous vivons tous la fin de notre isolement. Mais comment décrire un hivernage, comment le définir, l’exprimer ?

Nous l’avons vécu. Nous y avons été des participants actifs, emplois différents, occupations variées. Un hivernage sera différent pour chacun d’entre nous. De plus, nous sommes trop impliqués pour pouvoir décrire les effets que ces huit mois auront eu sur nous. Nous le verrons à notre retour.
Certains disent qu’un hivernage rend les hivernants plus bêtes qu’ils ne le sont au début. Certains jours, nous en avons bien l’impression... mais ne le disions nous pas dès le départ ?... Qu’il fallait être un peu bête et dingue pour avoir l’envie d’hiverner !

Dans un hivernage, comme dans toute communauté, il y a des hauts et des bas, des rivalités, de grandes amitiés, des coup de blues, des moments d’euphorie. Toutes ces petites choses ont fait partie de notre quotidien. Elles font partie intégrantes de la société. L’hivernage s’est très bien passé pour nous tous. La vie n’est pas si différente d’une vie en colocation.

Je ne pourrais pas vous dire si je suis heureuse que cela se termine ou bien si j’ai envie que cela dure encore et encore. Je n’en sais rien. Je sais juste que j’aime la vie ici, mais je savais dès le départ qu’il y aurait une fin et que c’est comme ça. Il faut bien laisser la place aux suivants et leur laisser l’occasion de faire leur propre expérience.

L’Astrolabe est parti samedi dernier (le 22 octobre 2011) de Hobart, Tasmanie. Il a fait route sur Macquarie, des îles sub-antarctiques australiennes. Il a rencontré une tempête et a dû rester à quai. Il devrait être reparti aujourd’hui mercredi, sur la route de DDU.

Le premier hélicoptère devrait nous survoler dans moins d’une semaine. Notre premier contact avec l’extérieur. L’Astrolabe n’arrivera pas à quai. La banquise est encore trop épaisse. Nous allons de nouveau entendre le va et vient incessant de l’hélicoptère.

Voilà, c’est la fin de l’hivernage. Le temps aura passé trop vite. Il me reste trois mois sur base pour la campagne d’été et la campagne océanographique.




Un trou fait à la tarière un jour nuageux.
Photo de Mickaël.

dimanche 16 octobre 2011

Chasse au trésor,



Photo de Yves-Marie.

Pas la même journée, une semaine avant. Nous sommes allés transponder (mettre une puce sous la peau des mamans et des bébés phoque) à 5 kms de la base. Alors il faut emmener tout le matériel, de quoi attraper, peser, mesurer, tagger,..etc.

Et puis les phoques... bah ça sent pas toujours très bon... donc tout le monde a revêtu pour la première fois ou presque depuis le début de l'hiver, la tenue orange. Orange, couleur phare des tenues adéliennes !

Sur la photo, dans l'ordre, Basile, Sophie, Guillaume, Moi et Philippe.
Nous partons à Florence, une petite île juste avant les îles Dumoulin.


Le mois d’octobre correspond à la naissance des veaux: les bébés phoques. Les mamans phoques sortent alors de leur hiver mouillé pour aller se prélasser sur la glace, attendant sagement que leur rejeton veuille bien sortir de leur ventre. De loin, elles paraîssent être de grosses limaces polaires. On se demande même comment elles arrivent à sortir de l’eau avec un ventre aussi énorme. On se demande même, comment un phoque arrive à trouver la force de se hisser hors de l’eau.




Un bébé phoque et sa maman.

Bon en mal en, ils sortent de l’eau. Ils poussent comme des champignons sur la banquise. Des tâches grises apparaîssent et viennent ponctuer le blanc éclatant. Un peu de soleil, peu de vent, ce sont les ingrédients pour qu’ils daignent sortir leur bout du nez. Mais dès qu’un coup de vent se profile, ils retournent se cacher à l’eau, laissant là les mamans qui ont déjà mis bas.

Nous allons régulièrement leur rendre visite, vérifier que tout le monde est là et se porte bien. Comme les hommes, ils ne se ressemblent pas, ils ont des tâches sur le ventre qui les différencient les uns des autres. Les phoques de l’Archipel n’ont pas une vie libre... nous les surveillons ! De plus, ils ont une puce avec un identifiant .... leur prénom ou plutôt leur passeport pour l’atlas des phoques de Terre Adélie.



Combien y en-a-t-il ? une question se posant tous les ans. Combien avons-nous de phoques de Wedell dans l’Archipel ? Alors tous les ans, les hivernants partent à la chasse. Nous nous divisons en groupe et on se répartit à celui qui en aura le plus. Mais attention, il ne faut surtout pas compter les phoques d’un autre groupe sous peine de sanction pour tricherie ! Certains ont plus de chance d’en voir, d’autres moins. Nous parcourons l’archipel d’un bout à l’autre. 12 kms à l’Ouest de Pétrel. 9 kms à l’Est de Pétrel. Au sud, le glacier nous bloque. Au nord, nous n’avons que quelques icebergs parsemés ici et là.

Nous sommes partis de bon matin. Nous avons marché. Nous avons marché. Nous avons lorgné à la jumelle les tâches grises. Mais aucune n’est apparue. Les phoques ont déserté l’Archipel. Certains sont allés jusqu’au bout de leur zone... pour n’en voir qu’à la jumelle, encore plus loin. J’ai fait un grand tour de l’île... pour n’en voir que 5. Le trésor s’est fait rare cette année. Au total : environs 60 phoques. Certains n’en ont vu aucun. Dire que l’on nous avait promis une chasse fructueuse !

jeudi 13 octobre 2011

La 100 e,



Voici la célèbre 100e carotte !

On voit le mât Iono derrière.


En ce jour du 3 octobre 2011, nous avons réalisé la centième carotte de mon hivernage. Moi et mes «sous-VCATs» n’avons pas voulu manquer l’occasion et nous avons posé avec cette célèbre carotte.
Elle fut aussi l’occasion de réjouissances et de festivités, au sein de toute la communauté DDUnienne.



Mes sous-VCATs ... Xavier et Sophie. Il faisait vraiment beau cette journée là ! Voir même chaud.... on n'a pas de bonnet !

Sens dessus dessous,



Le séjour et les passerelles durant une tempête.
Photo de Sophie


Je lève la tête, le ciel est blanc. Je baisse les yeux, le sol est blanc. Le monde extérieur est de couleur blanche. Tout est recouvert d’un blanc éclatant. Un blanc qui fait plisser les yeux. Un blanc qui éblouit et que l’on ne peut pas regarder en face. On n’ose pas l’affronter du regard, hormis caché derrière un écran.

Il est blanc gris, il est blanc jaune, il est blanc tout court. Il est doux et volant, il est tassé, il est cotonneux, il vole. Sous toutes ses formes, il est blanc.

Nous pouvons plonger dedans, y nager, y marcher, s’y battre, s'y essouffler. Il nous fatigue, il nous épuise. Nous parons du mieux que nous pouvons, nous chaussons nos grands pieds et nous le survolons.

Une autre facette de notre monde.




Une tête qui dépasse... le toit que l'on aperçoit, est le toit de BIOMAR.
Photo de Sophie

lundi 10 octobre 2011

Rappel de poisson rouge,

Pour les poissons rouges et autres êtres vivants à courte mémoire.
L’adresse pour les courriers postaux est :

Camille Robineau
Base de Dumont D’Urville
District de Terre Adélie
Terres Australes et Antarctiques Françaises
Via Orly C.T.C.O.M
FRANCE

Par contre, n’envoyez pas de courrier après le 15 Novembre (France ou Etranger). Cette date correspond à l’arrivée du courrier par la rotation R2, rotation par laquelle je repars. Je risquerais de ne pas pouvoir voir votre belle lettre, ce qui serait fortement dommage !

mercredi 5 octobre 2011

Des paillettes dans le ciel,



Xav (au centre), moi et Basile enlevant les paillettes du chalut sous glace ...

Les paillettes. Ces paillettes qui font partie de mon quotidien. Elles sont là partout, tout autour de moi. Elles sont là dès que je pose un pied sur la banquise. Je sais qu’elles se cachent, là, en dessous de la glace sur laquelle je marche. Elles se tapient dans l’ombre de l’eau libre. Même là où je soupçonne sa raréfaction, elle se fait présente. Dans le trou de pêche, où je la pensais presque absente, elle sort en grandes quantités. Je la sors par dizaines de kilos, nous la pelletons, nous la sortons à l’épuisette. Au prochain engin de pêche, nous savons que nous risquons de recommencer.

Nous les avons lancées dans le ciel et les avons fait briller dans le soleil. Nous avons fait tomber la glace du ciel ... Il pleut de la glace de mer.
Le ciel nous est tombé sur la tête.



Ouahhhh les belles paillettes,.... !!!!!!! Faut bien s'amuser comme on peut, surtout quand on sort plus de 300 kgs de paillettes de glace.

Moi, Basile, Xavier et Arnaud.

Étendue d’eau libre,

Il y a un peu plus de deux semaines, nous avons subi une forte tempête durant plusieurs jours. Elle s’est heurtée contre la banquise. Elle a tapé contre la glace. Elle a fait bouger la mer, a créé des vagues. Elle a cassé la banquise.

Nous connaissions l’existence d’une polynie (zone d’eau libre entre la banquise créée par les courants) à une quinzaine de kilomètres de la base. Nous pouvions l’apercevoir du point culminant de l’île ou bien la deviner dans les nuages à l’horizon. Mais la polynie apportée par la tempête était bien plus proche. Elle se trouvait à moins de huit kilomètres, un petit peu au Nord de l’île Débarquement. Trop proche à notre goût, elle nous rappelait le caractère temporaire de notre séjour ici et le retour proche de l’Astrolabe.

Les manchots empereurs ont bien vite changé de direction et se sont rapidement dirigés vers cette polynie beaucoup plus proche. Un accès à l’eau et aux poissons beaucoup plus rapide pour nourrir les poussins. Les hivernants n’ont pas fait non plus la fine bouche, une nouvelle destination ... DDU plage. Du soleil, peu de vent, des lunettes de soleil et les jours suivants, tout le monde le maillot et la serviette sous le bras s’est dirigé vers la plage. Les routes des vacances étaient chargées, pour ainsi dire. Une fois la serviette étendue, les premiers baigneurs ont voulu se jeter à l’eau ... les envies de baignade ont par contre vite été refroidies ... le monstre d’Antarctique rode dans la zone, le léopard des mers. Alors pas question de mettre un orteil dans l’eau même pour les moins frileux !

Lors de ma visite à la polynie, celle-ci avait déjà regelé sur plusieurs centaines de mètres, mais nous pouvions observer au loin le miroitement de l’eau.




On peut la voir au loin.

L’adolescence,




Les poussins empereurs grandissent à une vitesse folle. Ils deviennent de vrais adolescents à vouloir imiter leurs parents, à chercher l’indépendance et en même temps à courir dans les jupons de papa et maman à la moindre frayeur.

Ils piaillent, ils piaillent. Encore et toujours. Réclamant qu’on les nourrisse. Se battent entre eux. Secouent les ailerons. Se promènent, mais jamais très loin des adultes. Ils craignent encore d’être seuls sur la banquise avec les Pétrels géants qui rodent.