un parfum d'aventure, dans les eaux de l'antarctique

Je pars en Antarctique pour un peu plus d'un an, plus exactement en Terre Adélie, à Dumont d'Urville avec l'IPEV (Institut Paul Emile-Victor). Dumont d'Urville est une base de recherche polaire française, située en dessous de la Tasmanie. Mon rôle sera d'étudier les poissons et les organismes qui vivent sur le fond, en dessous de la banquise.

dimanche 25 septembre 2011

Du vent,

L’Antarctique, un continent de vent ou presque. Le vent est surtout présent le long de la côte, alors qu’à l’intérieur même, celui-ci est quasiment absent. Mais tout cela n’est pas nouveau, je vous en ai déjà parlé.

Ce vent particulièrement fort, en certaines périodes (surtout au mois de septembre) ou pendant le passage des grosses perturbations, est sujet à des paris et à une possibilité d’inscription dans le livre des records DDUnien, tout comme la température d’ailleurs. À chaque nouveau coup de vent possible, nous espérons battre le record de la Terre Adélie, de plus de 240 km/h. Bien souvent, une fois la tempête passée, nous en sommes bien loin. Sauf lors de la dernière tempête, celle-ci nous a donné une rafale de 199 km/h pendant moins d’une minute. Ce n’est pas grand chose une minute mais c’est la rafale qui nous permet de battre les records des cinq dernières années. 199 km/h, fondamentalement, cela fait quoi ? Bah pas grand chose, nous dormions tous à cette heure-là ... Les records sont des secondes.

Et la neige soufflée nous balaye le visage ...




Par une journée, de vent et de neige.... à droite, BIOMAR, la passerelle menant au séjour 42, à gauche, le traîneau du quad.

À fond de cale,



La fine équipe qui m'a aidée ce jour-là à faire un trou à la tarière. De gauche à droite, Arnaud, Moi Camille, Basile, Philippe, Sylvain et Sophie prenant la photo. Malheureusement, cette tarière est tellement mal foutue, qu'il faut pelleter pour enlever les copeaux,... !!! Alors les autres regardent en attendant...

Les hivernants, après un hiver en Terre Adélie, ont bien généralement pris quelques kilos, un peu d'embonpoint pour lutter contre les rigueurs de l’hiver austral. Il nous faut bien cela pour vaincre le vent, le froid, la neige et surtout les manips pêche ... ! Ces manips sont tellement célèbres à DDU que le personnel recruté mange la veille au soir au moins l’équivalent de son poids au risque sinon de tomber en hypothermie et hypoglycémie.




Un hivernant passant dans le trou (Basile)

Malheureusement, pour aller se laver dans un trou de banquise "le trou du carottier", qui suffisait auparavant, ne permet plus de passer qu’un bras et encore avec l’épaississement de la banquise, nous avons quelques difficultés à descendre en profondeur le bras, pour atteindre l’eau libre. Alors nous avons dû voir les choses en grand et trouver de quoi faire un trou à notre taille : une tarière. De son diamètre, 70 centimètres, un bon gros hivernant peut passer facilement dans le trou. Les fesses ont parfois des problèmes pour passer mais avec un coup de masse sur la tête, l’hivernant plonge les pieds les premiers dans cette eau vivifiante. Cette découverte a pu révolutionner les narines et donner un coup de fouet au groupe. Nous sommes prêts à affronter le retour du soleil et des longues journées de marche (si la banquise reste parmi nous), prévues pour début octobre selon les dires de la météo.

En attendant, nous nous engraissons ...



Moi, Camille....

Un être poilu,

Un être à carapace plein de «poils». Il s’est retrouvé là par hasard entre mes mains. Il s’est pris dans mes filets à son plus grand malheur. Il partira de ce fait un jour pour un grand voyage. Il quittera l’Antarctique.





Son petit nom ? C17... romantique n'est-ce-pas ? La photo est pas top, top, mais on voit bien la tête qu'il a.

mercredi 21 septembre 2011

Carotte,

Tous les êtres vivants meurent un jour. Et si nous ne mourons pas, nous nous transformons. A vrai dire, la mort est dans un sens une transformation. Alors que l’on soit roche, organique, eau, nous mourons.

Depuis mon arrivée en Terre Adélie, j’ai beaucoup capturé ... de glace. Je carotte depuis de longs mois et je ne garde parfois qu’un seul petit bout de celle-ci.
Le reste est voué à rester là et à dépérir. Je rassemble les carottes en groupe. Un tas par journée de travail. Elles se dressent sur la banquise, servant de repère. Des cimetières parsèment ma zone de travail. Certaines finissent par disparaître sous l’action du vent, se retrouvent ensevelies par la neige.

Le tout pour le plus grand plaisir, semble-t-il, des manchots empereurs qui les observent intrigués.


mercredi 14 septembre 2011

Dessèchement,

Tel un poisson, j’ai besoin d’eau. Tel un Homme, j’ai besoin d’eau. Tel un être vivant, j’ai besoin d’eau. J’ai besoin d’eau. J’ai besoin d’eau. J’ai besoin d’eau. J’ai besoin d’eau dedans et dehors. J’ai besoin d’eau dans mon corps et sur ma peau. J’ai besoin d’être dans l’eau. J’ai besoin de boire de l’eau.

Sur mon île isolée, il n’y a point d’eau. Il y a de l’eau à boire. Il y a de l’eau au robinet. Mais il n’y a point d’eau dans laquelle me baigner. Mon corps réclame l’eau. EAU. EAU. EAU. Point de baignoire. Point de piscine. Point d’eau de mer libre à température humainement viable. Je me dessèche.

Mais s'il n’y a point de baignoire, il y a des aquariums pour de vrais poissons. Des grands aquariums pour de gros poissons, de gros gros poissons.

Par un dimanche après-midi venté, j’ai rempli un grand aquarium d’eau chaude et je m’y suis baignée, accompagnée de mes co-hivernants. La première baignoire de DDU.




Grosso modo.. voilà ce que donne un goûter-baignoire.

mercredi 7 septembre 2011

Un doux mélange,



Sophie et Xavier armés de leur pelle. On peut voir le trou de pêche à droite se distinguer



A la recherche du coffre au trésor....

Quand on vous prononce le nom de Terre Adélie, quels sont les premières choses qui viennent à votre esprit ? Qu’évoquent pour vous le pays, Terre Adélie ? L’Antarctique, un pays blanc, un pays froid. Mais encore ? Un pays de vent, de tempêtes, de neige.

Mélangeons la neige et le vent. Elle tourbillonne dans tous les sens. Elle s’incruste dans tous les recoins. Le vent la chasse. Elle revient. Elle s’accumule ailleurs. Elle crée des congères immenses. Le vent la balaye, la mange. Elle revient à l’attaque. Un ballet météorologique. Un ballet d’éléments naturels. Une danse et une guerre.

Elle s’installe, recouvre. Elle recouvre le trou de pêche. Elle recouvre les fenêtres de BIOMAR, notre bâtiment de travail. Elle s’est insinuée partout. Armés de pelles, nous devons la chasser, sachant d’avance que notre bataille est peine perdue. Dans quelques jours, à la prochaine tempête, elle reviendra à l’attaque. Et nous devrons recommencer. Nous l’attaquons, nous l’enlevons, nous creusons, armés de nos pelles. Nous ne pouvons nous avouer vaincus. Nous ne devons pas.



Sophie sur la congère de BIOMAR... qui monte jusqu'au toit... qu'on voit apparâitre



Xavier.... nous aide à creuser un tunnel pour qu'on puisse enfin voir le jour.



Une fenêtre...

Premiers pas,




Nous faisons tous un jour nos premiers pas. Dehors, dans le froid, il est difficile de devoir sortir et de se dire qu’il va falloir affronter ce monde si hostile. Ils sont tous gigantesques autour de moi. Je sors à peine un pied que déjà je me fais piquer les fesses. Il y en a un qui essaye de m’embarquer avec lui. On me repousse dans la poche bien au chaud, à l’abri. Je quitte la douce chaleur. Je me fais pousser. Je ne sais plus où je suis. Je cherche une poche, j’essaye de rentrer dans celle de mon voisin. Pas de place pour moi. Je tourne et retourne. Je suis perdue. Je cours à gauche, à droite. Ils sont partis.





De loin, ils ont parfois l’air si désemparé, tellement différent de leurs parents. Ils sont bien petits . Ils sont perdus, là. Ils font les grands. Ils se donnent des coups de bec. Ils grandissent. Tandis que leurs parents s’amusent comme ils peuvent, ... afin de passer le temps ? Ils grimpent sur des icebergs, et redescendent sur le ventre, un poussin entre les pattes. La manchotière se déplace, change d’horizon... les manchots empereurs se promènent.

vendredi 2 septembre 2011

La dissection du poisson,


Vous avez déjà vu l’intérieur d’un poisson ? Vous avez déjà pensé à aller regarder ce qu’il y a à l’intérieur du ventre de ce que vous mangez ? Comment ils étaient faits ces poissons ?


Photo d'un notothenia coriiceps



Il n'est pas beau mon poisson ?



Miam Mian Miam !!!

Un océan de feuilles,


Il se passe des choses étranges sous la banquise. Nous ne pouvons les voir, ni les entendre clairement, mais quelques indices sont parsemés. Il suffit de faire un trou dans la glace. Un trou. Eh oui, encore une histoire de trous ...

Perçant la glace fine des rivières, présentes dans la banquise, dans la bonne intention de pêcher les quelques malheureux poissons qui passent par là, je plonge mon bâton dans une bouillie de glace. L’eau n’est ni claire, ni liquide. Elle est pleine de feuilles de glace ou de fleurs de glace. Je n’arrive pas à en voir la fin. Ma première hypothèse était que les rivières en bougeant et en étant une zone de fragilité auraient un rôle dans l’apparition de ces feuilles de glace.

Mais quelle ne fut pas ma surprise quand je retrouvais la même chose dans l’eau remontant dans mes trous de carotte. Je suis loin de toutes rivières ou de zones de fragilité. Mais quel est donc ce phénomène étrange ? Elles sont bien jolies ces feuilles de glace mais elles m’empêchent de pêcher. Aucun hameçon ne rentre dans l’eau. Alors réussir à pêcher un poisson devient carrément impossible. J’enlève les feuilles à la pelle, je continue, et je continue encore. Mais je n’en vois pas la fin. Plus j’en enlève, plus il y en a. Une montagne de feuilles se crée à côté de moi. Je vide l’océan à la petite cuillère...

Elles prolifèrent. Il y en a partout. Je les trouve aussi sur la glace présente dans le trou de pêche ... et le long des bouts de mise à l’eau des nasses... une vraie guirlande de Noël. Des fleurs d’eau. C’est le printemps. Les fleurs prolifèrent. C’est l’explosion des bourgeons.

Mais il paraîtrait qu’elles se formeraient quand des différences de température importantes sont présentes à un endroit... serait-ce l’explication scientifique ?