un parfum d'aventure, dans les eaux de l'antarctique

Je pars en Antarctique pour un peu plus d'un an, plus exactement en Terre Adélie, à Dumont d'Urville avec l'IPEV (Institut Paul Emile-Victor). Dumont d'Urville est une base de recherche polaire française, située en dessous de la Tasmanie. Mon rôle sera d'étudier les poissons et les organismes qui vivent sur le fond, en dessous de la banquise.

mardi 26 avril 2011

Une carte pour un archipel




Après avoir tant parlé de lieux, d'îles, ou autres noms qui peuvent paraître flous à l'autre bout de la planète, vous pouvez maintenant vous fier à cette carte simplifiée de l'île. Les principales îles y sont notées. Certaines sont accessibles plus loin, mais feront partie de l'occasionnel.

Bonne promenade,

Petit poisson

Mon petit poisson, mon cher petit poisson, celui que j’avais aspiré, il y a quelques semaines. Mon cher petit poisson fait la grève de la faim depuis plus de trois mois maintenant. Je lui offre du bacon, du poisson, des amphipodes (petits crustacés) ; mais rien à faire, il dédaigne tout ce que je peux lui proposer.

Il faut agir avec ruse et discrétion.

Pour le décrire, c’est un Artetidraco de son petit nom, qui fait environ 10 cm de long. Un bien petit poisson. Il est blanc/rosé avec des dessins brun/jaune sur tout le corps. Ses yeux sont gros en comparaison avec son corps. Et l’on peut voir le rouge de ses branchies à travers sa peau. Il paraît bien fragile.

La plupart du temps, il est immobile, blotti dans un coin de l’aquarium, d’autant plus maintenant que toutes mes comatules sont décédées. Il n’a plus de cachette et doit se sentir en sécurité dans un coin. Il ne doit surveiller plus que 90 ° de vision. Je ne le vois jamais bouger sauf que je le titille afin de vérifier qu’il soit bien vivant et non mort de faim.

Aujourd’hui, j’ai sorti du bacon de mon congélateur. C’est jour de fête ! Des gros morceaux pour mes gros poissons (Nothotenia coriiceps) ; eux je ne les nourris que toutes les deux semaines. Ils mangent trop et sont toujours affamés ! Et un tout petit, gros comme une petite crevette rose pour l’Artetidraco. Je l’ai attaché au bout d’une ficelle très fine de manière à la faire gigoter juste devant son nom. Il ne réagit pas. Je passe au-dessus de son corps, sa bouche, ses yeux. Il ne bouge pas. Je continue à faire gigoter mon bout de bacon. 5 minutes. Une nageoire bouge. Son corps se met en position d’attaque. J’éloigne un peu mon bout de bacon, ma pseudo crevette. Et je la repose. J’attends. Il regarde et saute dessus. Il enfourne tout rond le bout de bacon. Je tire sur la ficelle. Elle ne veut pas se détacher et je ne peux pas la laisser, il risque de s’étouffer. J’ai pêché mon propre poisson ! Il finit par recracher la crevette... Test réussi mais non finalisé !


Je recommence. Il est devenu un peu plus prudent. Mais à force d’effort j’arrive à lui faire remanger...et ...le verdict est le même ! Comment faire ?

En attendant, il est maintenant au milieu de l’aquarium. On sent qu’il est sur ses gardes et pas du tout dans son élément. Alors il rampe. Il ne nage pas. Il rampe sur ses nageoires pelviennes (sous le corps) doucement. Il s’arrête. Il repart. Il fonce droit vers la paroi de l’aquarium pour la longer jusqu’au coin. Vers la sécurité. C’est la première fois que je le vois évoluer, que je le vois marcher. Un moment de pure complicité avec mon poisson !

La finalité de l’histoire est que j’ai recommencé en accrochant un plus petit bout de bacon pour être sûre qu’il se casserait sous la traction. Mais cette fois-ci, il a totalement dédaigné mes tentatives insistantes. J’espère qu’il a une mémoire de poisson rouge !

lundi 25 avril 2011

À fleur d’eau,


Moi et Arnaud. Mon gros filet. en face, l'îlot du Marégraphe

Le vent de la semaine dernière a donc emporté toute la banquise. J’en suis toute déboussolée. Je ne sais plus où aller. Je ne sais plus quoi faire. Je devais aller travailler à mon trou de pêche permanent, quelque part là où il y a de l’eau maintenant. Sa position n’a donc plus d’importance, de toute manière, il y a de l’eau. Je ne peux pas marcher sur l’eau, enfin pas encore... peut-être que d’ici la fin de l’hivernage je serai devenue suffisamment timbrée pour pouvoir marcher sur l’eau. Un pas, deux pas, trois pas... Vous avez vous ? Vous n’avez pas regardé ? Tant pis pour vous il fallait regarder !

Enfin de toute manière, tout cela ne m’arrange pas. Armée de ma maison de tortue et de mon bâton, je suis allée à la recherche d’une mare aux canards. Pas trop petite, pas trop grosse. Juste comme il faut pour pouvoir tremper ma maison. Et il me fallait un endroit où je puisse m’approcher de cette eau sans passer à la trappe. Des conditions particulièrement difficiles à réunir. Je suis donc partie vers l’Ouest, à l’opposé du soleil levant, il m’éblouissait de trop. Et j’ai marché, et j’ai marché... Pas trop loin...de toute manière il n’y a presque plus de banquise. Juste à côté de l’îlot du Marégraphe, des vaguelettes apparaîssent. J’ai trouvé mon trou, juste comme il faut. Je mets donc ma maison à l’eau. Ne nous inquiétez pas elle est faite pour ça ! (Ma maison est mon gros filet qui me sert à filtrer le zooplancton, les organismes qui vivent dans l’eau, ce sont principalement des copépodes, des petites «crevettes» qui à l’oeil nu ne forment qu’un point translucide ; ce filet, je le porte attaché sur mon dos, d’où le nom de Madame Tortue). Ma maison est à l’eau. J’ai trouvé de quoi la nourrir !


Un oeuf perché,

Pas d’église, pas de carillon, pas de cloche. Qu’allons-nous donc faire en ce jour de Pâques ? Si les cloches ne sonnent pas, nos oeufs ne vont pas arriver ... ! Nous n’allons pas avoir notre réserve de chocolat pour le reste de l’hiver, même si d’après les calculs de certains, ils pourraient tenir au moins deux hivernages de plus avec les kilos de tablettes de chocolat stockés dans leurs tiroirs.

Nous avons bien une cloche sur la base (moi, certains diraient mais je parle d’une vraie cloche qui sonne juste), elle est utilisée tous les jours pour signaler l’heure du repas. Mais cette cloche n’a pas la puissance pour résonner dans le ciel clair d’Antarctique. Les oeufs de Pâques ne nous entendrons pas et nous oublierons. Nous allons être perdus sans nos oeufs. Nous n’avons même pas de lapin à chercher en roue de secours. Nous étions tous inquiets sur la poursuite des évènements depuis une semaine ...

Lundi matin, jour de Pâques. Aucun carillon ne résonne dans l’air. Le vent ne souffle presque plus. Nous avons le silence. Pas de cloche, pas de Pâques.

Lundi midi, j’arrive au séjour. Un bruissement dans l’air. Un coup d’oeil, je regarde à la ronde, si jamais les oeufs avaient fini par arriver par la cheminée. Un ruban rouge est apparu là, en haut de l’étagère. J’observe, intriguée. J’attends la suite des évènements.

Lundi midi, après le repas, Marion se lève. La chasse aux oeufs est lancée. Top départ. Les cloches ont fini par nous entendre. Le vent les a poussées jusqu’à nous.



Lundi, 13h45. Je cours. Nous courons. Ils courent dans tous les recoins. Toute boite est retournée. Notre terrain de jeu ? La base au complet ! Les passerelles résonnent des pas des hivernants. La chasse bât son plein.

Lundi, 14h30. Soixante oeufs moins un ont été retrouvés. Un dernier se cache et ne sera peut-être retrouvé que dans quelques mois. Armés de nos butins, nous pouvons enfin célébrer Pâques !


Joyeuses Pâques !

Merci à Clément pour ses oeufs !

vendredi 22 avril 2011

Seule dans la nuit,

La base vit aux dépens de la centrale et de ses groupes électrogènes. Sans eux, nous ne serions pas là. Ils sont notre source de chaleur, d’électricité et d’eau. Tous ces éléments sont indispensables à notre vie. L’électricité peut-être moins mais nous avons besoin d’eau et de chaleur. Le bois brillant par son absence et l’eau douce étant impossible à obtenir sans faire fondre de la glace, le problème n’est pas résolu sans la centrale. Les groupes tournent 24h/24 et 7j/7. De ma chambre, je peux entendre le doux ronronnement des moteurs. Leur son est notre repère. Le silence est donc rarement complet. Parfois je me cache à l’autre bout de l’île afin de quitter les bruits de la base et écouter le craquement des banquettes. Mais je tergiverse et même si l’on peut fuir son bruit, nous ne pouvons lui en vouloir.

Tout le jour, le chef centrale et le second de centrale oeuvrent parmi les groupes, le bouilleur (pour produire l’eau douce), etc. Ils les surveillent et les bichonnent comme leurs enfants. Nos deux comparses ne sont pas des sur-hommes et comme la plupart des êtres humains, ils ont besoin de sommeil. La nuit, ils s’en vont rejoindre leur couette et les bras de morphée. La centrale est laissée à l’abandon!

Oh mais que non ! Toutes les nuits, un hivernant est présent et assure le quart. Il vérifie leur bon fonctionnement toutes les deux heures entre 20h et 6h30. Il effectue des relevés et appelle les personnes concernées en cas d’alarme. Tout ça n’est pas très palpitant. Mais c’est un bien pour un mal. Alors on emmène tout ce que l’on peut pour s’occuper, même si bien souvent, cela se résume à regarder des films assis seul dans son fauteuil.

Les "techniques" sont obligés de les effectuer. Mais nous, les scientifiques, pouvons aussi y participer afin de les soulager. Ce sont aussi les moments où nous pouvons faire tout ce que nous repoussons la journée.

J’ai réalisé ma première nuit lundi dernier. Toute seule dans le noir. Toute seule, je me suis retrouvée par une nuit de tempête. Le bruit des moteurs couvrait le bruit du vent et de la neige. Des hivernants m’ont tenue compagnie jusqu’à minuit. Après cette heure passée, j’ai perdu tout courage. Je n’avais plus la volonté de réaliser tout ce que j’avais prévu. Après 2-3 mails, tu en as marre ; tu as l’impression de raconter un peu les mêmes choses. Alors tu vas sur le réseau Adélix et tu cherches un film suffisamment long et intéressant afin de ne pas t’endormir. Le plus dur est vers 3 heures du matin. Tes yeux se ferment. Tu dodelines de la tête. Tu sors vers le séjour, mets ta lessive à sécher. Tout est noir. J’ai peur du noir et de la nuit. J’ai peur du monstre qui risque de sortir d’un recoin. Je cours malgré l’interdiction de courir sur les passerelles. Je retrouve la douce chaleur de la centrale et sa sécurité. Je rechigne à en sortir. Les minutes défilent. Mon remplaçant arrive à 6h30. À 6h37, je suis sous ma couette toute endormie. À 6h40, je dors.

Justice,



Je devrais intenter un procès au dieu Éole. Son injustice est flagrante. Il est coupable de torture mentale et physique. Mentale sur les hivernants. Physique sur la banquise. Depuis dimanche soir, le vent souffle, il est monté jusqu’à 174 km/h. La banquise était née depuis 3 semaines maintenant. Elle avait réussi à atteindre une épaisseur de 40 cm par endroit. On la voyait jusqu’à l’horizon. Seule, une petite bande de bleu était visible loin, loin, loin là-bas au loin. Mais elle était encore jeune. Bien trop fragile. Elle n’a pas su résister au choc et à la violence de la houle. Par morceaux, elle a disparu. Des plaques se détachent et s’en vont. La banquise n’est plus qu’un petit morceau de glace pris entre des îles, Pétrels, Rostand, Lamarck, Mauguen et le glacier. Nous n’avons plus le droit de marcher sur l’eau. Nous sommes les prisonniers de l’île.




dimanche 17 avril 2011

Sur des lames,

Sur des lames, j’ai fendu la glace. À force de passages, j’ai fait un trou. Un trou suffisamment grand pour que l’on aille tous s’y baigner. Dans ma précision, j’ai réussi à passer exactement au même endroit. Mon trou est parfait... Je peux voir passer les phoques, les empereurs, les léopards et les poissons ... dans mes rêves.




Dans ma réalité, je tiens juste droit sur mes lames, j’avance, je tourne, je m’arrête mais rien de plus. J’ai fait des ronds. J’ai tourné en rond sur la patinoire naturelle. Une patinoire en pleine nature. Mais la neige est vite tombée et à recouvert le tout. J’ai sorti mes patins une fois dans l’année.

...Voilà c’était mon petit clin d’oeil à mes compagnons de Hockey du club des nuls !

mercredi 13 avril 2011

La pêche miracle de Terre Adélie

Par un bel après-midi, armés d’un carottier, de trois cannes à pêche et d’une glacière (non pas pour les bières mais pour conserver les poissons pêchés au chaud), nous sommes allés à la recherche d’un caillou pour nous abriter du vent. Traînant une pulka (un traineau) chargée du matériel, nous sommes allés vers les îles le Bélier et Capricorne. Aucun abri contre le vent, mais un joli endroit à quelques mètres de l’île Le Bélier.


Et bien sûr, la présence d’eau libre brillait par son absence. Une seule solution, ou peut-être deux. Soit je fais comme mes chers inuits, je m’arme d’une hachette ou d’un forêt à main et je creuse, soit j’utilise le carottier avec une perçeuse pour faire le trou. Désolée, mais nous avons beau être des héros polaires, la fainéantise existe ici aussi. Le seconde solution est donc la préférée.

Un trou de carotte et le tour est joué. Nous nous installons bien confortablement, dos au vent, le soleil en face, prêt à attendre une prise miracle.....L’attente fut très très... courte !!! Nous étions encore en pleine préparation de nos hameçons, que Xavier, plus rapide, avait déjà un poisson. Le premier d’une longue liste... Clément s’y met et moi aussi. De mon côté, j’ai décidé de ne pas faire les choses à moitié et d’utiliser une mitraillette (plusieurs hameçons sur une même ligne, utilisée pour la pêche aux maquereaux en France).



Et, première touche, deux poissons. À peine la ligne redescendue que je rattrape deux poissons et ainsi de suite. Il a fallu s’arrêter au bout d’un moment, faute d’être responsable de l’extermination totale de tous les poissons de la Terre Adélie !!!


Nous sommes revenus en vainqueurs, avec une glacière remplie de 26 poissons en une heure. De quoi faire des jaloux parmi les pêcheurs aguerris.

vendredi 8 avril 2011

Extension de territoire,





Avec le froid des derniers jours, l’eau de mer a eu le temps de se figer. À l’horizon, par journée de vent, c' est une mer d’huile. Plate. Calme. Le vent ne semble plus avoir d’effet. Il ne fait que souffler de l’air. La mer s’est protégée. En quelques jours, elle s’est épaissie suffisamment pour supporter notre poids. Notre territoire vient de s’agrandir. Nous avons l’autorisation de nous écarter d’un km de l’île, un sacré rayon ! Nos jambes se dégourdissent, apprécient les balades, s’éloignent toutes seules.



Mais c’est sans oublier que l’Antarctique est sans pitié. Pour quelques journées de beau temps gagnées, le mauvais temps finit par prendre place. La neige et le vent se sont mis de la partie. Des morceaux de glace à l’horizon ont disparu. L’eau libre est de retour. La neige s’entasse, les congères se forment. L’horizon est blanc. J’ouvre un oeil et je ne vois rien que du blanc. Je suis aveugle.



Le monstre,

Allo ?

Allo ?

Allo ?

Ici DDU.

Comment ?

Ici la base de Dumont d’Urville.

Ah, oui j’écoute.

Nous venons de faire la découverte d’un monstre.

De quoi ?

D’un monstre !

Je ne comprends pas, de quoi parlez-vous ?

Nous avons découvert le monstre !

Décrivez moi ce monstre, je ne vois pas de quoi vous voulez parler…

Sa taille est de 4 mètres en moyenne, le poids…je n’ai pas réussi à le mettre sur une balance… en même temps je ne l’ai pas approché du tout… sa tête est énorme…
ses dents aussi… il vit dans l’eau… il est capable de casser la glace avec
son « museau ", museau trop mignon pour un tel monstre.

D’accord, et quelle est la forme de son corps ?

On dirait un phoque énorme…

Madame, vous vous moquez de moi… votre monstre n’est qu’un léopard des mers !!

… Silence….ah d’accord, merci beaucoup, bonne journée.

mercredi 6 avril 2011

Le grand rassemblement

Avec les premiers nénuphars, les premiers empereurs. Juste quelques uns. Pas beaucoup. Deux ou trois par-ci, par-là. Seuls sur leur bout de glace, ils attendaient. Ils attendaient l’apparition de la banquise hivernale et peut-être celle de leurs congénères.

Et la banquise est apparue. La banquise s’est solidifiée. Elle a résisté aux tempêtes entre l’île des Pétrels et l’île Le Mauguen et l’île de Rostand. Maintenant elle fait cinquante centimètres d’épaisseur dans cette zone. Et ils sont arrivés. Tout d’abord, des petites colonnes, dix-vingt manchots empereurs. Petit à petit, leur nombre a augmenté. En quelques jours, ils sont passés de 10 à 900 dans la manchotière.


Et les colonnes continuent d’arriver. Leur taille augmente. Ils sont maintenant plus de 100. Tous à la queue leu leu. Des êtres vêtus de noir. Les ailerons le long du corps, ils se dandinent. Doucement, ils avancent. Ils conservent le maximum d’énergie. Ils attendent les retardataires, se reposent. Debout sur leur deux pattes, ils affrontent les éléments jusqu’à la colonie. Chaque obstacle est contourné après «réflexion». Le meneur s’arrête, regarde, tourne la tête. Il ne sait pas. Il retourne dans la colonne et se fait remplacer. «Par où dois-je aller ?»

Je ne connais par leur nombre maintenant. Mais la manchotière grandit, évolue, éclate. Elle bouge suivant le vent. Elle s’abrite derrière les îles. Des petits groupes se forment. Les femelles chantent d’un bout à l’autre de la colonie. Elles baissent la tête et émettent leur chant. Tous des trompettistes ! Elles rentrent dans le groupe à la recherche de leur partenaire. Elles continuent de chanter jusqu’à ce que leur partenaire leur réponde.



Des batailles éclatent. Mais toujours avec la même réserve. Il ne faut pas s’énerver. Les empereurs méritent leur nom. Ce sont les maîtres de l’hiver.

dimanche 3 avril 2011

Une inuit au pôle Sud

Aviez-vous déjà entendu parler de cette légende ? Aviez ne serait-ce imaginé la possibilité ? Serait-il possible que des Hommes aient établi résidence au pôle Sud, ou en tout cas sur le continent Antarctique ? De quoi auraient-ils vécu ? Comment auraient-ils survécu ?

Comment survivre dans ce milieu inhospitalier ? Il fait froid, le vent souffle fort. Un vent tel que si cela arrivait en métropole, aucune maison ne résisterait. Aucune plante n’existe. Aucun arbre. Juste du lichen dans les fissures en été. Juste un paysage blanc à perte de vue. La seule ressource vient du fond des océans. Mais les marées n’existent quasiment pas et les profondeurs sont très rapidement vertigineuses. On atteint très facilement 40-50 voir 200 mètres de profondeur. Pas besoin de s’éloigner. Le glacier a fait son oeuvre et a érodé les roches. Les manchots et les phoques pourraient être une ressource. Ils seraient source de nourriture et de fourrure. En bref, tout ce qu’utilisent les inuits du pôle Nord. Alors pourquoi, dites-moi pourquoi n’ont-ils jamais établi résidence ici ?

En même temps, je les comprends. Le corps humain devrait résister en permanence à des températures négatives. Aucun répit. Le vent catabatique détruirait toute choses. Rien ne serait permanent.


Mais nous avons décidé la folle aventure de vivre ici un an. En tant que «la pêcheuse», je vais régulièrement à la pêche. Je me sers de mon trou de pêche pour avoir accès aux eaux sous-jacentes. Je descends des mètres et des mètres de fil afin d’atteindre le fond et espérer ramener un poisson. Je joue avec mon leurre. Je remonte et je redescends. J’attends. J’ai l’impression de ne jamais atteindre le fond. Parfois je lance mon fil dans les «rivières», les limites entre les plaques de banquise. Ces zones sont parfois libres de glace si le vent a soufflé.


Le problème est que la nuit comme le jour, l’eau gèle. Mon trou se rebouche. Tous les jours. Pas une seule pause. En une journée, j’atteinds déjà 10 cm d’épaisseur. Un bloc de glace. Mon trou n’est plus. Je dois casser. Tous les jours. Tous les jours, je dois aller jusqu’au trou et le déglacer. Armée d’une machette, je tape, je casse, je frappe. Et j’atteinds l’eau. Le froid règne en maître. Alors comment voulez vous que la vie soit facile pour un inuit ?

La première pour mon bébé

Vous souvenez-vous de mon bébé ROV ? Mon petit bébé jaune ? Il n’a pas été très en forme ce dernier mois. Il a fallu l’ausculter, l’ouvrir et le soigner. Maintenant, il est guéri et j’espère qu’il ne fera pas une rechute.

Par une belle journée ensoleillée et peu ventée, je l’ai emmené prendre l’air. Il avait besoin d’un bon bain frais. J’ai déglacé mon trou de pêche et je me suis installée. Les branchements. Les câbles. Le groupe électrogène. La manette. L’ordinateur. La machette. La tente. Tout est prêt. Je me suis assise devant mon écran et j’ai visionné.



Photos de Arnaud

L’eau est sombre. La lumière passe faiblement à travers la banquise. Des algues se développent juste en dessous. Mais plus je descends, plus le noir est présent. J’allume mes phares. La lumière se reflète sur les particules en suspension. Je vois doucement le fond apparaître. La visibilité est limitée. Le fond est calme. Le courant n’est pas fort. J’aperçois la nasse posée la veille. Un poisson est pris au piège, je vais devoir la remonter ce soir pour le récupérer. Je continue à explorer. Un poisson passe, sans doute effrayé par tant de lumière. Je regarde au-dessus de moi. Le ciel est loin. Je redécouvre avec autant de plaisir le fond, son calme, sa sérénité. J’ai peur de croiser un phoque ou un léopard des mers. J’ai peur de me faire manger. Mais la curiosité est plus forte. Je continue. Le temps passe vite. Je dois remonter à la surface. Des rayons bleus transpercent la surface. Je dois chercher la sortie. Je suis mon fil d’ariane. La lumière est forte, j’ai peine à ouvrir les yeux et à m’habituer à ce retour.

Je sors de la tente et je vais le récupérer. Je vérifie que tout fonctionne parfaitement. Il est prêt pour un nouveau bain ...

Au retour des dédicaces

De jour en jour, la musique s’est répandue à travers les ondes adéliennes.
Bien sûr, elle est toujours présente. Nous avons notre propre radio ici. Pendant ces moments, où que l’on était, tout le monde allumait sa radio et l'écoutait. On attendait impatiemment le moment où Framboise allait dire « Bonjour, ici Skuarock ! » ...le début des dédicaces. On ne savait pas quand, ni si quelque chose allait passer pour nous. On attendait. On écoutait. On rigolait des dédicaces des autres. Pendant plus d’une semaine, à raison d’une heure par jour, les mots ont défilé sur les ondes.

Et alors j’ai pleuré sur la musique de Carnet de Voyage, j’ai eu envie de prendre mon sac à dos et de partir à la dérive sur mon bout de glaçon et de continuer de parcourir l’Antarctique et de pouvoir observer d’autres facettes. J’ai rigolé en entendant la chanson pour mon pauvre petit poisson, il a été très heureux de savoir que sa mésaventure lui a donné ne serait-ce qu’un petit peu d’attention. Je me suis souvenue de ces longues heures de route à 4h du matin, où je m’endormais au volant, de la musique plein les oreilles, une douce musique pleine de souvenirs. Je me suis rappelée les discussions sur la musique et le blog en préparation... (???) et me suis remémorée de ces discussions parisiennes autour d’une bière. J’ai joué l’héroïne polaire dans mon imagination, allongée sur mon lit, en écoutant Bashung.

Et je vous remercie d’avoir pensé à moi.